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Tribune


01/05/2008


Vers une réforme du droit d'auteur dans la presse écrite



 

Depuis plus de 15 ans les accords conclus entre éditeurs et journalistes de presse écrite sur les conditions d'utilisation de leurs oeuvres reposent sur un réel paradoxe: d'un côté un désaccord de principe, franchement affiché, sur la titularité des droits et de l'autre, une gestion contractualisée, dans l'ensemble peu conflictuelle, de ces mêmes droits au travers d'accords individuels ou collectifs. Cette situation fragilise les org anisations juridiques mises en place. En dépit des efforts déployés par les pouvoirs publics, aucune forme de conciliation n'a permis de réduire cette fragilité.
Simplement dit, pas un accord collectif n'est juridiquement apte, par lui seul, à intervenir dans l'organisation de ces droits, et pas un accord individuel n'est vraiment à même de surmonter la précarité de principe dont le législateur a frappé la mise en oeuvre de leur cession. Il est vrai qu'aucune procédure cataclysmique n'est venue jusqu'ici perturber ce malheureux ordre des choses et que, tant bien que mal, les parties ont pu trouver, au fil des évolutions technologiques et économiques, des points d'entente pour permettre le développement de nouvelles formes de la publication de presse.
Mais la vérité oblige à dire que l'ordre des choses est de moins en moins identifiable et que l'indétermination originelle pèse de plus en plus lourd sur les réponses à apporter aux changements qui opèrent sous nos yeux.
Tout d'abord la problématique née des exploitations numériques ne se limite plus à celle des réutilisations secondes. La notion de bi-média s'impose et la production dès l'origine se conçoit indifféremment pour les formes imprimées comme numériques, sans que l'on sorte pour autant du périmètre de la publication de presse. Cette notion de publication est à son tour agitée par la variété de ses modes de création, de diffusion et d'accès et se distingue avec difficulté des “grands hybrides” que constituent les plateformes communautaires d'information ou les moteurs de recherche, qui remettent en cause les métiers mêmes d'éditeur et de journaliste. Enfin d'autres questions se sont enchaînées à ces problématiques. L'opposition frontale des acteurs a entraîné des dommages collatéraux comme le blocage sur la reprographie et l'exception pour copie privée.
L'URSSAF, de son côté, ne clarifie rien en soumettant toute somme versée par une entreprise de presse à un journaliste professionnel au régime général des salaires quand bien même elle tire son origine d'une cession de droit d'auteur.
C'est en réponse à une situation aussi dégradée qu'un petit groupe d'éditeurs et de journalistes reflétant, pour l'essentiel, la variété des formes de presse et des formes syndicales confrontées à ces questions, réunis de façon informelle et sans autre mandat que leur bonne volonté, en présence de certaines sociétés de gestion collective, a cherché à dégager un principe de solution à cette impasse annoncée (1).
Six points principaux ont été considérés (2) : - cette réforme ne peut intervenir que par modification législative ; - la cession des droits d'auteur au profit de l'éditeur doit résulter de la loi pour toutes les exploitations entrant dans le périmètre de la publication de presse ; - la notion de la publication de presse doit intégrer ses formes et modes de lecture nouveaux ; - le principe d'une rémunération complémentaire doit être reconnu et son application doit tenir compte du critère de temporalité (3) de l'information; - les conditions et le niveau de cette rémunération doivent pouvoir se déterminer via des accords collectifs; - le traitement des exceptions doit être distingué de celui des droits exclusifs dont l'éditeur doit conserver la gestion directe.
Quelques remarques sur chacun de ces points : 1- Si la mise en oeuvre des solutions proposées repose essentiellement sur la négociation sociale, celle-ci ne peut opérer dans le cadre restreint et révolu de la législation actuelle.
Quatre articles sont en cause : C.Trav. art. L.761-8 et 9, CPI art. L. 121-8 et L.132-6. Ceux-ci sont sans cohérence avec la définition, prospective mais désormais inadéquate, de la publication de presse, fournie par la loi du 1er août 1986.
2- Quelle que soit la technique juridique utilisée (cession légale ou présomption de cession), le dispositif doit répondre à une exigence majeure : lier, sans formalisme particulier, le transfert à titre exclusif des droits d'auteur à la relation de travail salariée, et ce pour tous les modes présents et à venir de la publication de presse tant qu'elle poursuivra ses parutions successives, sans que chaque évolution technique constitue un nouveau point de blocage à sa mise en oeuvre.
3- Ceci n'interdit en rien aux parties de régler par le mode contractuel classique tous les transferts de droits se situant hors du périmètre de la publication de presse (4).
4- Le périmètre de la publication est donc une pièce essentielle du dispositif : la publication se caractérise désormais non seulement par la multiplicité de ses supports mais aussi par la diversité de ses contenus et la variété de ses modes

d'accès. L'accès à un ou plusieurs des contenus de la publication via un site – en exploitation directe ou de tiers – doit donc se comprendre comme l'accès à la publication elle-même dans la mesure où l'espace réservé à ce contenu se trouve identifié par la marque de la publication. Ce critère doit pouvoir faire l'objet d'aménagements afin de tenir compte des modes d'exploitation partagés de certains éditeurs: la reprise par un éditeur, sur son site portail, de tout ou partie des contenus mis en ligne de ses publications n'exigerait que la mention de crédit, selon la forme d'usage.
5- Déterminer le seuil déclencheur de la rémunération complémentaire est également capital. Pendant sa période d'actualité, la publication, sous toutes ses formes dont chacun des éléments est réputé substituable à l'autre, doit pouvoir être consultée sans ouvrir droit à complément de rémunération pour les auteurs quel qu'en soit le mode de diffusion et de commercialisation. Reste à déterminer cette période d'actualité : elle découle naturellement du rythme de la périodicité (5). Comme cette périodicité varie d'un support à l'autre, il appartiendra aux partenaires sociaux de déterminer ensemble ce seuil déclencheur sans que, toutefois, ce délai puisse se trouver inférieur à un jour franc, quels que soient la forme de presse et le support considérés.
6- Déterminer les conditions de la rémunération complémentaire au-delà de la période d'actualité relève donc de la négociation sociale, soit au niveau de la forme de presse considérée, soit au niveau de l'entreprise en cause.
Cette disposition ne fait que conforter la pratique de nombreux éditeurs. Mais, à la différence de la majorité des accords existants, elle doit prendre en compte l'ensemble des auteurs collaborateurs salariés de la publication de presse (permanents ou occasionnels, professionnel de l'écrit ou de l'image, fixe ou animée). Chaque catégorie de presse ou chaque entreprise détermine ainsi le mode le mieux adapté à la nature de ses exploitations: proportionnel ou forfaitaire, individuel ou mutualisé, (6) etc.
7- Les clauses de cession dans les contrats individuels auront vocation, le cas échéant, à décliner ces dispositions cadre, mais non plus à servir d'instrument obligé de ratification individuelle pour des oeuvres conçues et réalisées (7) dans le cadre industriel et collectif qu'est celui de l'entreprise de presse.
Pour cette même raison, les accords collectifs pourront régler les exploitations hors le périmètre de la publication.
8- Un point essentiel à considérer, celui du blocage possible du processus de négociation. Ce blocage ne doit permettre ni aux journalistes de menacer l'éditeur dans son droit d'exploiter, ni réciproquement à l'éditeur d'exploiter durablement dans l'ignorance de la réclamation des journalistes. La solution proposée est donc d'inscrire la négociation qui s'enlise, dans un calendrier raisonnable, en favoriser l'issue par une médiation, enfin tenter de concilier et, si nécessaire, faire arbitrer par une instance paritaire, présidée par un magistrat, la rémunération applicable. Afin d'éviter de transformer cet organisme en une “machine de guerre” au bénéfice de l'une ou l'autre des parties, il est souhaitable que les décisions de cet organisme expriment les usages et pratiques les plus courantes dans la forme de presse considérée.
9- Si cette réforme est adoptée, une période de transition devrait, dans le même esprit, permettre aux parties de réarticuler les accords individuels et collectifs actuels dans le cadre nouveau mais sans en modifier l'économie globale (8).
10- Enfin, la question des exceptions se résout d'elle-même une fois réglées celles qui précèdent : la détermination de la rémunération équitable en matière de reprographie ne fait plus d i fficulté si l'on admet que le sort des panoramas de presse doit être réglé à l'aune du critère de temporalité. Le taux de 50 % (9) peut alors s'appliquer par défaut aux autres formes de reprographie dans la mesure où ces activités n'interfèrent pas de manière significative avec les exploitations de l'éditeur.
Cette dernière condition est également celle qui justifie et borne le taux de répartition abruptement fixé par le législateur en matière de copie privée. La vocation des SPRD peut s'exercer pleinement dans la mesure où l'éditeur sera désormais assuré de l'exclusivité des droits cédés par ses collaborateurs.
Ces organismes seront amenés, en matière de reprographie, à intervenir en cas de défaillance caractérisée d'un éditeur et, pour la copie privée, à assurer directement la répartition auprès des ayants droit journalistes.
11- Cette nouvelle organisation des droits devrait offrir aux A ffaires Sociales une grille désormais lisible distinguant cette fois nettement la part de la rémunération salariée, contrepartie d'une activité, de celle se rapportant aux revenus complémentaires, contrepartie de l'exploitation du droit d'auteur, à soumettre à ce titre aux AGESSA.
Les éléments de cette réforme ne sont pas hors de portée. Ils ont été détaillés dans un document commun remis aux pouvoirs publics.
Ce travail appelle sans nul doute des adaptations de la part des organisations professionnelles et syndicales auxquelles il a été soumis et qui doivent s'en saisir. Des réserves, émises par les photographes dont le préalable est la détermination d'un barème de pige, ont déjà été prises en compte. De même, la situation des éditeurs de presse dont le traitement des droits est exclusivement individuel, ou celle des éditeurs “pur web”, doivent être soigneusement considérées.
Mais l'essentiel à retenir est que la concertation a été possible sur une question donnée comme fermée et que la voie ouverte aujourd'hui doit demeurer praticable pour permettre d'apporter des réponses à des réalités qu'aucun des acteurs de cette profession n'a intérêt à tenir masquées.
1er mai 2008 - Légipresse N°251
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