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Accueil > Chantier Exceptions au droit d'auteur et aux droits voisins de la Hadopi : « La réponse est institutionnelle » -



01/12/2012


Chantier Exceptions au droit d'auteur et aux droits voisins de la Hadopi : « La réponse est institutionnelle »



La Hadopi a publié le 23 novembre la synthèse des contributions au chantier « Exceptions au droit d'auteur et aux droits voisins » ayant pour objet de passer en revue l'ensemble des exceptions existantes et les principales questions qui se posent quant à leur effectivité à l'heure du numérique.
Jacques Toubon, membre du Collège de la Haute Autorité chargé de piloter ce chantier, a répondu à nos questions.

Jacques VERRECCHIA
Avocat à la Cour Spécialiste en propriété intellectuelle
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Pouvez-vous nous rappeler le contexte dans lequel ce « chantier » a été lancé par la Hadopi ? Il s'agit d'un volet de notre mission légale, la Hadopi étant en charge de l'équilibre entre la mise en oeuvre de certaines exceptions et les mesures techniques de protection (Mtp). On a lancé depuis un an et demi environ une série de réflexions libres : les « chantiers », dans lesquels on fait travailler des membres du collège, des services de la Hadopi, et les experts des labs. Parallèlement, on a été saisi au début de 2011 par la Bnf, pour instruire l'affaire de difficultés d'application du dépôt légal sur laquelle on va rendre un avis début 2013 ; également de la mise en oeuvre de l'exception « handicapés » et d'une discussion sur la mise en oeuvre du logiciel libre Vlc pour la lecture des Dvd Blu-Ray. Le chantier « Exceptions » a dressé un questionnaire avec trois séries de questions. Tout d'abord, passer en revue chaque exception et dresser un état des lieux. Ensuite, analyser les mécanismes de mise en oeuvre de ces exceptions, et notamment de compensation : sont-ils satisfaisants ? Enfin, à l'ère du numérique, quelle est l'acceptation sociale du droit d'auteur et de ses exceptions qui sont, rappelonsle, la possibilité de faire usage des oeuvres sans être obligé de demander l'autorisation de l'auteur/ayant droit ? Quelle a été la participation ? On a reçu 41 réponses (bénéficiaires d'exceptions, acteurs du secteur des technologies de l'information et de la communication, universitaires, juridictions et entreprises du secteur culturel). Les ayants droit principaux (Sprd) ont refusé de répondre, car ils ont considéré l'ouverture de ce chantier comme une menace pour leurs droits et une tentative d'élargir les exceptions. J'ai essayé de les convaincre du contraire, en vain. Mais d'autres titulaires de droits ont répondu de manière très active ou circonstanciée, en posant les bonnes questions. On a établi une synthèse objective qui en elle-même est déjà instructive. On voit bien en effet que l'édifice français des exceptions n'est pas remis fondamentalement en cause, mais que, en même temps, les usages numériques introduisent des questionnements ou propositions qui méritent d'être pris en considération. Mais ce n'est pas à la Hadopi, qui n'a pas de pouvoir de régulation et qui n'a qu'un pouvoir réglementaire restreint, de le faire. C'est aux pouvoirs publics (gouvernement, Parlement…) de voir ce qu'il faut faire, avec le concours de l'organisme en charge de conseiller le gouvernement qui est le Csp la. La question est aussi pour la Mission Lescure : faut-il revoir et compléter cette organisation ? La synthèse des réponses donne une certaine impression de cacophonie… Quel bilan la Hadopi tire-t-elle de cette étude ? Cette synthèse comporte des enseignements intéressants qui doivent être portés par la Hadopi à la connaissance des pouvoirs publics. La conclusion générale à laquelle nous sommes parvenus, mais qui donne encore lieu à des discussions au sein du Collège, est institutionnelle : il y a besoin d'une vraie régulation – et pas simplement un pouvoir d'avis – dans la mise en oeuvre des exceptions et des mesures techniques de protection. C'est-à-dire, d'un côté, l'ouverture d'usages à certains utilisateurs, par exemple pour des motifs légitimes (pédagogiques ou d'information, par exemple) et de l'autre, les Mtp qui permettent l'effectivité du droit d'auteur face à une technologie qui le menace. Aujourd'hui, la loi est faite de telle sorte que la Hadopi n'a pas de compétence de régulation, comme l'ont l'Arcep ou le Csa. Pour les contenus diffusés par voie numérique, on est dans une situation moins évoluée que pour ceux diffusés par voie hertzienne ou que pour la régulation des tuyaux. Va-t-on donner à une vraie instance, celle résultant de l'éventuelle fusion entre le Csa et l'Arcep ou n'importe quelle autre existante ou à créer, un véritable pouvoir de régulation, un pouvoir de décision, évidemment sous le contrôle du juge ? Au lieu de s'en remettre aux pouvoirs publics pour placer le curseur entre exceptions et Mtp ? Je le conseille, à titre personnel, à la Mission Lescure : des régulations ont été instituées chaque fois qu'il y avait des intérêts économiques importants ; or on a fait comme si, sur les contenus, la question ne devait être posée qu'au plan

juridique. Mais on voit bien que, sur le terrain économique et social, la question est en train d'exploser ! La modernité, n'est-ce pas passer par la régulation et éviter que les pouvoirs publics interviennent toujours ? Vous pointez donc des lacunes dans les pouvoirs que la loi a attribués à la Hadopi ? Dans l'affaire du dépôt légal dont nous sommes saisis, nous ne pouvons que donner un simple avis au ministère de la Culture, mais pas dire aux acteurs ce qu'ils doivent faire. Cela vaut également pour le développement de l'offre légale. Car la loi ne nous donne pas, par exemple, la possibilité d'imposer des obligations aux détenteurs des droits pour mettre leur catalogue, ou leurs oeuvres, à disposition des plateformes numériques. De même, pour corriger des conditions anti-économiques imposées aux plateformes.
Même si la Hadopi n'a aujourd'hui qu'un pouvoir d'avis, quelles suites donnera-t-elle à cette consultation ? Nous sommes au stade préalable. On a fait un état des lieux. La synthèse est une photographie pointilliste, mais dont on voit très bien ressortir les arêtes. On soumettra début 2013, via une délibération du Collège, les conclusions de ce panorama aux pouvoirs publics. Pour l'instant, je parle à titre personnel, car le Collège doit délibérer. Quelques exemples ? L'exception de citation ne couvre pas les oeuvres graphiques : ne faudrait-il pas l'étendre ? L'exception pédagogique ne devrait-elle pas également couvrir les partitions de musique ?… Allez-vous vous prononcer sur l'exigence de la licéité de la source, exigée par la loi pour notamment l'exception de copie privée, mais qui est contestée par certains ? On n'est pas chargé de refaire la loi, on est chargé de l'appliquer ! On pourra retenir dans nos conclusions des aménagements que certains ont proposés. Par exemple, la présomption de bonne foi ou l'illicéité manifeste, pour les films qui viennent de sortir en salle… Proposer qu'un faisceau d'indices, qui démontrerait la licéité ou l'illicéité, soit défini par la loi. Car l'utilisateur numérique a parfois bien du mal à savoir si la source est licite. Bien sûr, pas lorsque c'est un film qui est exploité en salle. Avant la mise en oeuvre de la licéité de la source, la question qui est posée est de savoir si on doit étendre cette condition à toutes les exceptions. Pour la presse, certains considèrent que la liberté d'expression (parodie, courte citation…) pourrait permettre de passer outre la licéité. C'est une question provocante qui mérite cependant d'être posée.
Alors que vous estimez que la Hadopi n'a pas de véritable pouvoir de régulation, elle est pourtant compétente pour fixer un nombre minimal de copies autorisées.
Certains participants de l'enquête pensent qu'une telle fixation serait de nature à garantir l'effectivité de l'exception de copie privée.
On a, « dans notre grande sagesse », décidé de ne pas nous lancer sur ce terrain ! D'une part, car nous n'avons pas été saisis. Ensuite, entre les arrêts de la Cjue et du Conseil d'État, la loi nouvelle, les remous au sein de la Commission copie privée… la question nous paraît suffisamment active et agitée pour qu'on n'aille pas en rajouter. Je pense que la guerre est loin d'être finie sur la copie privée ! Cela pose la question de ce qui est privé, de ce qui est dans le cercle de famille… Pour l'instant, on ne se livre pas à cet exercice, le contexte ne s'y prête pas. Nous sommes de plus en attente d'une nouvelle décision du Conseil constitutionnel.
Si à la fin de l'année prochaine, une autorité de régulation est instituée par la loi, elle aura une compétence sur le sujet et, à mon avis, toute légitimité pour la mettre en oeuvre.
Une telle instance de régulation existe-t-elle en Europe ? Non. Dans la plupart des pays occidentaux, on s'en remet d'abord au juge, même si notre procédure de réponse graduée inspire de plus en plus le Royaume-Uni, les États-Unis ou le Japon. De l'autre côté de l'Atlantique, la question est différente puisque c'est le fair use qui est en oeuvre. Chez nous, comme le montre cette synthèse, on refuse le fair use. On préfère notre système continental d'exceptions écrites et définies. C'est important de le relever, car la doctrine européenne pourrait voir d'un bon oeil le fair use. Et c'est important que la France porte ce genre de réflexion et son expertise au plan communautaire, car il semble qu'il n'y aura pas pour le moment de révision des directives de 2001 et de 2004. Les ayants droit sont très méfiants, car la majorité du Parlement européen est plutôt « anti-droits d'auteur ».
Et au plan mondial, l'Ompi avance, poussé par les pays en voie de développement, les Américains… avec un risque de remise en cause de la titularité des droits. Il faut que les « sachants » s'emparent de tout ce débat.
Propos recueillis par Amélie Blocman
1er décembre 2012 - Légipresse N°300
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