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Accueil > Communications électroniques > Refus d’engager la responsabilité de l’hébergeur d’un forum après la publication de commentaires vulgaires : appréciation par la CEDH de la marge d’appréciation - Communications électroniques

Resposnabilité
/ Jurisprudence


19/04/2019


Refus d’engager la responsabilité de l’hébergeur d’un forum après la publication de commentaires vulgaires : appréciation par la CEDH de la marge d’appréciation



Cour européenne des droits de l'homme, 19 mars 2019, Høiness c/ Norvège
 

Une avocate norvégienne réputée avait engagé une procédure au civil pour diffamation contre un éditeur d’un portail internet. Elle soutenait avoir fait l’objet de harcèlement sexuel dans trois commentaires publiés sous couvert d’anonymat sur le forum dudit portail, attentatoires à son honneur. Le tribunal jugea que les commentaires en cause – qui avaient été retirés du forum dès qu’ils avaient été portés à la connaissance du défendeur – ne pouvaient s’analyser en une diffamation illicite en ce qu’ils n’étaient pas susceptible de porter atteinte à l’honneur ou à la réputation de la requérante. La cour d’appel a jugé qu’il n’était pas nécessaire de trancher la question de savoir si les propos litigieux étaient diffamatoires. Elle observa notamment que les lecteurs du forum avaient la possibilité de réagir aux commentaires en cliquant sur des « boutons de signalement » présents sur le site en question et confirma la décision de première instance concernant les frais de justice en accordant 183 380 couronnes norvégiennes (environ 20 050 €) aux défendeurs.

Invoquant l’article 8 de la Convention, la requérante soutenait devant la Cour européenne qu’en ne protégeant pas suffisamment son droit à la protection de sa réputation et en la contraignant à payer ces frais de justice, les autorités norvégiennes avaient porté atteinte à ses droits tels que garantis par la Convention.

La Cour rappelle que l’article 8 englobe le droit d’une personne à la protection de sa réputation. En ce qui concerne les intérêts concurrents reconnus par l’article 8, d’une part, et par l’article 10, d’autre part, la Cour rappelle les principes généraux qu’elle a récapitulés dans l’arrêt Delfi AS c/ Estonie. Elle reconnaît de façon générale à l’État une ample marge d’appréciation lorsqu’il doit ménager un équilibre entre des intérêts concurrents ou différents droits protégés par la Convention. Dans le cadre de cette appréciation de la proportionnalité, la Cour a également jugé pertinents des aspects particuliers de la liberté d’expression, tels que le contexte des commentaires, les mesures appliquées par la société qui gère le site internet pour empêcher la publication de commentaires diffamatoires ou retirer ceux déjà publiés, la possibilité que les auteurs des commentaires soient tenus pour responsables plutôt que ladite société, et les conséquences de la procédure interne pour celle-ci.

En l’espèce, elle juge que la cour d’appel n’était tenue d’examiner de manière approfondie la nature des commentaires litigieux en ce qu’il ne s’agit en aucun cas de discours de haine ou d’incitation à la violence. Par ailleurs, la Cour ne voit aucune raison de contester l’allégation de la requérante selon laquelle elle se serait heurtée à de très sérieux obstacles si elle avait cherché à actionner les auteurs anonymes des commentaires litigieux. En ce qui concerne le contexte dans lequel ceux-ci ont été faits, la Cour observe que les forums de discussion en question n’étaient pas particulièrement intégrés à la présentation des programmes d’information et n’apparaissaient donc pas comme étant dans la continuité des articles publiés.

Pour ce qui est des mesures adoptées par l’éditeur, il existait un système de modérateurs qui contrôlaient les contenus. En outre, les lecteurs avaient la possibilité de cliquer sur des « boutons de signalement » ou de signaler par d’autres moyens, par exemple par courrier électronique, les contenus jugés inappropriés. En l’espèce, un des commentaires litigieux a été supprimé à l’initiative même du modérateur avant réception de la notification adressée par l’avocat de la requérante. Ainsi, la cour d’appel a jugé que la société qui gérait le portail d’actualités ainsi que son éditeur avaient agi de manière appropriée.

La Cour, conformément aux principes énoncés dans l’arrêt Delfi AS c/ Estonie, ne voit aucune raison de substituer son avis à celui des juridictions nationales. Elle juge par conséquent qu’en s’efforçant de ménager un équilibre entre, d’une part, les droits de la requérante découlant de l’article 8 et, d’autre part, le droit à la liberté d’expression garanti par l’article 10 au portail d’actualités et à l’hébergeur de forums de discussion, les juridictions internes ont agi dans les limites de leur marge d’appréciation.

19 avril 2019 - Légipresse N°370
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