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Droit à l'oubli
/ Jurisprudence


21/01/2020


Droit au déréférencement : le Conseil d’Etat livre sa feuille de route



Conseil d'Etat, 6 décembre 2019, M. X et Y. c/ CNIL, n° 391000, 393769, 395335, 397755, 3999999, 401258, 403868, 405464, 405910, 407776, 409212, 423326, 429154
 

Plusieurs particuliers avaient saisi Google de demandes de déréférencement de liens vers des pages web à partir d’une recherche sur leurs nom et prénom, contenant des données à caractère personnel les concernant. Face au refus du moteur de recherche, ils ont saisi la Cnil afin qu’elle mette Google en demeure de procéder à ces déréférencements. La Cnil ayant rejeté leurs plaintes, les requérants ont saisi le Conseil d’État pour demander l’annulation de ces décisions de refus.

À la lumière des réponses apportées par la CJUE dans sa décision du 24 septembre 2019 (aff. C-136/17), aux questions qu’il lui avait posées, le Conseil d’État, par 13 décisions du même jour, précise les éléments dont la CNIL doit tenir compte, lorsqu’elle est saisie par une personne d’une demande de déréférencement de liens vers des pages web publiées par des tiers et contenant : des données dites sensibles au sens de l’article 9 du RGPD (concernant la santé, la vie sexuelle, les opinions politiques, les convictions religieuses… de la personne) ; des données personnelles la concernant, relatives à une procédure pénale au sens de l’article 10 du RGPD ; des données personnelles touchant à sa vie privée, mais non sensibles.

Le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord que le droit à la protection des données personnelles n’est pas un droit absolu mais doit être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, notamment le droit à la liberté d’information garanti par l’article 11 de la Charte, conformément au principe de proportionnalité. Ainsi il revient à la CNIL d’apprécier s’il existe un intérêt prépondérant du public à avoir accès à une telle information à partir d’une recherche portant sur le nom de la personne, de nature à faire obstacle au droit au déréférencement.

Pour chaque demande de déréférencement, l’intérêt du public à avoir accès à cette information doit être mis en balance avec trois grandes catégories de critères :

- les caractéristiques des données en cause : contenu des informations, leur date de mise en ligne, leur source, etc. ;

- la notoriété et la fonction de la personne concernée ;

- les conditions d’accès à l’information en cause : la possibilité pour le public d’y accéder par d’autres recherches portant sur des mots-clés ne mentionnant pas le nom de la personne concernée, le fait que l’information ait été manifestement rendue publique par la personne concernée, etc.

Si les informations publiées sont des données dites « sensibles », visées par l’article 9 du RGPD (religion, orientation sexuelle, santé, etc.), elles doivent faire l’objet d’une protection particulière et donc, dans la mise en balance, d’une pondération plus importante. Le déréférencement ne pourra être refusé que si ces informations sont « strictement nécessaires » à l’information du public. Si ces données ont été manifestement rendues publiques par la personne concernée et s’il apparaît qu’il existe un intérêt prépondérant du public de nature à faire obstacle au droit au déréférencement, une telle circonstance n’empêche pas l’intéressé de faire valoir, à l’appui de sa demande de déréférencement, des « raisons tenant à sa situation particulière ».

En l’espèce, il est jugé qu’un particulier ayant écrit un roman à caractère autobiographique peut demander le déréférencement des liens menant vers des sites qui, en décrivant cette œuvre, révèlent l’orientation sexuelle de son auteur, alors même que cette information doit être regardée comme ayant été manifestement rendue publique par l’intéressé. En effet, les répercussions de ce référencement sur l’intéressé, qui n’exerce plus d’activités littéraires, excèdent l’intérêt prépondérant du public à accéder à cette information à partir de son nom, ce d’autant plus que cette dernière peut être facilement obtenue via d’autres mots-clés (n° 409212).

Par ailleurs, s’agissant des données relatives à une procédure pénale, conformément à la réponse de la CJUE dans son arrêt du 24 septembre 2019, le Conseil d’État indique que l’exploitant d’un moteur de recherche peut être tenu d’aménager la liste des résultats, au plus tard à l’occasion de la demande de déréférencement, en vue d’assurer que le premier de ces résultats au moins mène à des informations à jour et reflétant la situation judiciaire actuelle (par exemple, dans l’hypothèse où, après avoir été condamnée en première instance, une personne bénéficie d’une relaxe en appel).

En l’espèce, il est jugé qu’une personne, connue en tant qu’actrice dans une série encore diffusée sur une chaîne de télévision, n’est pas fondée à demander le déréférencement de liens menant vers des articles faisant état de sa condamnation, en 2018, pour des faits de violence conjugale. En effet, ces articles reprennent des propos tenus par l’intéressée elle-même dans une interview récente donnée au sujet de sa condamnation, et apparaissent dans ces conditions strictement nécessaires à l’information du public (n° 429154).

Sur ces 13 recours,  le Conseil d’Etat a constaté 8 non-lieu à statuer (les pages web ayant été modifiées depuis ou Google ayant finalement procédé au déréférencement), rejeté 5 demandes et prononcé 5 annulations des décisions de refus de la Cnil.

21 janvier 2020 - Légipresse N°378
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