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Tribune


01/07/2003


Vers une ouverture du crédit-bail fiscal aux films cinématographiques



Grégoire Guignot
Avocat à la Cour, Cabinet Deprez, Dian, Guignot
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Le 30 avril dernier, le ministre de la Culture a présenté son plan de réforme du financement du cinéma français. Ce plan fait suite aux inquiétudes récurrentes des professionnels du secteur. En effet, bien que depuis quelques années les films français attirent de plus en plus de spectateurs, la mauvaise santé de Canal+ et les perspectives de stagnation des chiffres d'affaires des chaînes de télévision risquent de déséquilibrer à moyen terme le système français de financement du cinéma. De plus, ces inquiétudes sont relayées au niveau international par le réexamen prochain des systèmes d'aides nationaux par la Commission européenne et l'engagement du nouveau cycle de négociation de l'Organisation mondiale du commerce.
Dès lors, les principales mesures envisagées visent à pérenniser et diversifier les sources de financements cinématographiques, à promouvoir la diversité de la production, et à ouvrir le système français vers l'étranger.
Il est notamment proposé de moderniser le dispositif fiscal français en faveur du cinéma en réaménageant le régime des SOFICAS (1) et, à l'instar de nos voisins européens (2), en développant des systèmes d'abris fiscaux en faveur des investissements dans le cinéma. Le plan prévoit ainsi la mise à l'étude immédiate par le Centre national de la cinématographie et le ministère des Finances de l'ouverture du crédit-bail fiscal aux films cinématographiques. Cette mesure qui se fonde sur l'une des propositions du rapport Leclerc (3), devrait permettre de relancer la collecte des fonds auprès des investisseurs privés et devrait également stimuler la relocalisation des tournages en France.
Le “sale and leaseback” anglais La proposition du rapport Leclerc concernant le créditbail fiscal cinématographique est inspirée par les montages de sale and leaseback pratiqués au Royaume-Uni.
Il s'agit d'une réglementation spécifique qui permet à une société qui acquiert un film auprès d'un producteur de pratiquer un amortissement fiscal privilégié.
La structure de ce type d'opération est généralement la suivante : – une entité fiscale transparente est constituée par des investisseurs disposant de bénéfices imposables importants ; – l'entité acquiert auprès d'une société de production un film et finance cette acquisition d'une part avec des fonds propres et d'autre part avec un emprunt contracté auprès d'une ou plusieurs banques ; – le film est ensuite donné immédiatement en créditbail à la société de production qui bénéficie d'une option d'achat à l'issue de plusieurs années (généralement quinze années).
Il est important de noter qu'en ce qui concerne les droits d'exploitation du producteur, l'opération est neutre, celui-ci devenant locataire du film après la cession.
Cette opération présente des avantages pour les deux parties. En ce qui concerne les investisseurs, la réglementation britannique permet à l'entité qui acquiert le film d'amortir intégralement sur un an ou sur trois ans, selon les cas, les sommes dépensées pour l'acquisition.
Ainsi, les déficits de l'entité résultant de l'acquisition vont s'imputer sur les bénéfices taxables de ses membres (les investisseurs), qui vont alors réaliser des économies temporaires d'impôts. Le bénéfice de l'opération sera d'autant plus important que la proportion de la dette dans le financement de l'acquisition sera élevée (en général, ces acquisitions sont financées par fonds propres à hauteur de 20 % et par dette à hauteur de 80 % (4)). En ce qui concerne le producteur, l'opération est avantageuse car elle va lui permettre de placer environ 90 % de la somme reçue au titre de la cession afin de payer sur plusieurs années les loyers dus et le prix d'achat résiduel du film (cette somme est suffisante compte tenu des intérêts qui seront payés par la banque sur la somme placée). Il bénéficiera directement des 10 % restants.
Ce type d'opération, qui peut s'analyser en une subvention de l'État, est réservé aux films britanniques, c'està- dire à des films dont au moins 70 % des coûts de production ont été dépensés au Royaume-Uni. Toutefois, les films financés par une coproduction avec l'Angleterre (5) peuvent également bénéficier de ce régime fiscal favorable (6). Cette réglementation, envisagée comme

ponctuelle, a connu un vif succès et a été reconduite jusqu'en 2005 par le gouvernement britannique.
Le crédit-bail fiscal français Le rapport Leclerc ne prévoit pas de transposer directement en droit français les règles du sale and leaseback anglais, mais propose d'adapter aux films cinématographiques, le mécanisme existant du “crédit-bail fiscal” français.
Il s'agit d'un mode de financement utilisé pour financer les acquisitions d'avions et de navires (7) qui repose sur la technique du crédit-bail et qui bénéfice d'un régime fiscal de faveur. Trois personnes sont parties à l'opération : un constructeur qui vend un bien à des investisseurs (8) (le crédit-bailleur) qui le donnent en crédit-bail à un utilisateur (le crédit-preneur).
La réglementation française du crédit-bail fiscal permet un amortissement “exceptionnel” de l'actif acquis les premières années et, dans certains cas seulement, l'exonération pour le crédit-bailleur des plus-values de cession. La réglementation précise que les deux tiers au moins de l'avantage obtenu par les investisseurs devront être rétrocédés à l'utilisateur, soit sous la forme d'une diminution des loyers, soit sous la forme d'une minoration du montant de l'option d'achat à l'issue de l'opération.
En contrepartie de ces avantages, le crédit- bail fiscal français n'est ouvert qu'à certaines opérations, soumises à l'agrément préalable de la direction générale des impôts.
Il s'agit d'opérations qui doivent présenter du point de vue de l'intérêt général, un intérêt économique et social significatif, et concerner des biens meubles et amortissables sur le mode dégressif sur une période de huit ans au moins.
Application aux films cinématographiques De la même manière que dans les opérations de sale and leaseback anglaises, il s'agira, en ce qui concerne le financement de films, d'une opération de crédit-bail spécifique, la cession-bail, dans laquelle la société de production sera à la fois le vendeur de l'actif et l'utilisateur.
Pour la société de production, le crédit-bail fiscal sera plus avantageux que le sale and leaseback, car elle bénéficiera non seulement de l'avance en trésorerie résultant de la cession mais également de la répercussion obligatoire de l'avantage fiscal obtenu par les investisseurs au titre de l'amortissement du film. En définitive, selon les estimations du rapport Leclerc, les gains financiers pour le producteur devraient représenter environ 20 % du coût total de la production du film cédé contre 10-12 % en moyenne pour le système anglais.
L'adaptation de la réglementation du crédit-bail fiscal aux films cinématographiques présente également les avantages suivants : (i) il s'agit d'un mode de financement bien connu des banques françaises, et (ii) qui peut être facilement encadré grâce à la procédure de l'agrément préalable, afin de réserver ce type d'opération à des films respectant certains critères (recours à des techniciens français, tournage en langue française…). Il s'agit là d'un avantage très important afin de stimuler la relocalisation des tournages en France.
Techniquement, cette ouverture du crédit-bail fiscal va nécessiter l'adaptation des textes existants (9). En effet, son champ d'application qui, dans sa rédaction actuelle, concerne les biens meubles en général, devra être éventuellement précisé afin de s'appliquer aux films (10). Le transfert de la pleine propriété du bien devra être examiné au regard des spécificités juridiques des films résultant des droits extra-patrimoniaux inaliénables qui s'y attachent. La durée de l'amortissement du film et les coefficients de calcul des amortissements seront également des questions cruciales. Enfin, les textes relatifs à l'octroi de l'agrément de production par le Centre national de la cinématographie devront être aménagés.
Le “crédit-bail fiscal cinématographique” devrait donc constituer un instrument susceptible de dynamiser fortement les investissements privés dans la production cinématographique française, qui demeurent limités compte tenu de la rentabilité aléatoire du secteur. Le rapport Leclerc prévoit ainsi que le “crédit-bail fiscal cinématographique” pourrait générer un supplément de recettes pour les producteurs de plus de 70 millions d'euros par an. De nombreuses incertitudes demeurent quant aux options techniques qui seront choisies par le législateur, principalement en ce qui concerne les critères relatifs aux films sur lesquels vont reposer les agréments et en ce qui concerne les avantages fiscaux qui seront offerts aux investisseurs. Des réponses apportées à ces questions dépendront l'efficacité et le succès de ce nouvel instrument.
1er juillet 2003 - Légipresse N°203
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