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Tribune


01/12/2006


Les chaînes thématiques insatisfaites du projet de loi sur la télévision du futur



Eric BRION
Président de l'A.C.C.e.S.
Pas d'autre article de cet auteur pour le moment.
 

Le projet de loi relatif à la modernisation audiovisuelle et à la télévision du futur a été adopté par le Sénat le 22 novembre dernier.
Dès la consultation organisée au printemps dernier par la Direction du développement des médias, les chaînes thématiques regroupées au sein de l'A.C.C.e.S. (Association des chaînes conventionnées éditrices de services, l'organisation professionnelle qui rassemble 35 chaînes conventionnées avec le CSA pour une diffusion sur le câble, le satellite, l'ADSL et la Tnt) ont été attentives au sort qui leur était réservé par ce projet de loi.
Un petit rappel historique s'impose : lors de l'attribution des fréquences en télévision numérique terrestre (TNT), l'A.C.C.e.S. avait défendu l'idée que la TNT, gratuite ou payante, était un vecteur de développement des chaînes thématiques du câble et du satellite et plaidé auprès du CSA pour que les fréquences de la TNT soient attribuées à des chaînes ayant fait la preuve de leur attractivité et de leur succès. Rappelons que la France compte aujourd'hui 6,5 millions de foyers abonnés à une offre de chaînes thématiques par le câble ou le satellite, soit environ le tiers des foyers et près de 16 millions d'individus. Ces chaînes rencontrent un véritable succès auprès des abonnés avec une part d'audience moyenne de près de 37 %, particulièrement forte sur les enfants. Or, comparée à ses voisins, la France accuse un retard certain en matière d'abonnement à une offre multichaînes : ce tiers des foyers français est à rapprocher des 95 % de l'Allemagne, des 65 % de la Grande-Bretagne ou des 50 % de l'Italie. Cette faible pénétration de la télévision de complément est un des handicaps des chaînes thématiques qui, malgré une existence de plus de 20 ans pour les plus anciennes, peinent à trouver leur équilibre.
L'extension de leur diffusion par un vecteur – la TNT – leur permettant d'élargir à terme leur pénétration à l'ensemble des foyers français représentait – et représente encore aujourd'hui – un potentiel de croissance, notamment de leurs ressources publicitaires qui restent faibles, et les rendrait moins dépendantes des opérateurs de distribution sur le câble, le satellite ou l'ADSL. La perspective d'accéder à une diffusion en numérique terrestre grâce au “dividende numérique” – dont la répartition est au centre du projet de loi – représente donc un enjeu stratégique pour un certain nombre de chaînes thématiques.
Certes, l'équilibre économique des chaînes de la TNT demeure encore fragile et incertain, l'objectif d'une couverture complète du territoire, inscrit dans le projet de loi, leur imposant des charges importantes et supplémentaires.
L'A.C.C.e.S. est consciente que les chaînes de la TNT doivent trouver au plus vite leur seuil de rentabilité et que ce “dividende numérique” – qui permettra le lancement en France de la télévision en haute définition et de la télévision mobile personnelle – doit permettre la consolidation des acteurs de la TNT. Mais les chaînes diffusées aujourd'hui par le câble, le satellite et l'ADSL ne veulent pas en être exclues. C'est pourtant le sentiment qu'elles ont eu à la lecture du projet de loi adopté par le gouvernement et présenté en première lecture au Sénat.
L'A.C.C.e.S. a donc été auditionnée par les sénateurs et a pu formuler un certain nombre d'observations et de propositions. Certaines d'entre elles ont été entendues, mais le projet de loi, tel qu'il a été adopté par le Sénat reste, sur de nombreux points, insatisfaisant pour les chaînes thématiques.
Une des craintes de l'A.C.C.e.S. était que les fréquences libérées par l'arrêt de l'analogique ne soient affectées à d'autres usages que la télévision.
Elle note avec satisfaction que le schéma national de réutilisation des fréquences libérées intègre désormais une réaffectation majoritaire à la télévision (Article 2). Mais elle souhaitait que la loi intègre explicitement une perspective de développement sur des fréquences numériques terrestres des chaînes thématiques conventionnées avec le CSA. La loi ayant pour ambition de dessiner le futur paysage audiovisuel numérique en favorisant sa diversité, l'A.C.C.e.S.
considère que les chaînes thématiques sont une composante importante de cette diversité qui mérite d'y figurer.
Pour l'attribution des fréquences en télévision mobile personnelle, le projet de loi présenté par le gouvernement prévoyait que le CSA favoriserait les chaînes déjà autorisées en TNT (Article 9). L'A.C.C.e.S. souhaitait que la loi mentionne que le CSA favorise également les chaînes thématiques conventionnées pour une diffusion sur le câble, le satellite et l'ADSL. Le Sénat a choisi de supprimer la priorité accordée aux chaînes de la TNT. Une rédaction mentionnant explicitement que le CSA favorise à la fois les chaînes déjà autorisées en TNT et les chaînes conventionnées aurait permis d'intégrer le double objectif de consolidation des acteurs actuels du numérique et de développement des nouveaux acteurs, d'autant que les perspectives de la télévision mobile personnelle laissent penser qu'un grand nombre de fréquences devraient pouvoir y être affectées.

Le projet de loi, dans sa partie relative à la télévision mobile personnelle, laisse ouverte la possibilité d'une attribution des fréquences à des distributeurs de services (Article 9-9°).
L'A.C.C.e.S. reste résolument opposée à cette disposition qui aurait pour effet de placer les éditeurs et les chaînes en situation de dépendance vis-à-vis d'opérateurs puissants issus des télécommunications.
Elle lui paraît également contraire à la loi et à la réglementation qui en découle qui font reposer sur les éditeurs les objectifs de diversité des programmes et de contribution au développement de la production française. Il y a là un risque de voir des opérateurs, qui n'ont pas ces contraintes et dont l'activité n'est pas contrôlée par le CSA, s'en affranchir.
La télévision mobile personnelle permettra le développement de nouveaux services et la loi laisse au CSA le soin de déterminer la part de la ressource qui leur sera affectée (Article 13).
L'A.C.C.e.S. considère que si la composition de l'offre en télévision mobile personnelle reste encore incertaine – elle dépendra des usages que les téléspectateurs feront de ce nouveau vecteur de diffusion – le développement de nouveaux services ne doit pas se faire au détriment des chaînes de télévision. La loi doit, là aussi, explicitement privilégier les programmes audiovisuels.
Enfin, l'A.C.C.e.S. estime que ce projet de loi est l'occasion de créer un véritable statut des chaînes thématiques.
En effet, les chaînes thématiques diffusées sur le câble, le satellite et l'ADSL sont placées dans un environnement concurrentiel tout à fait spécifique et leur modèle économique est foncièrement différent de celui des chaînes hertziennes analogiques ou des chaînes de la TNT. Elles sont, en particulier, confrontées, sur les fréquences non assignées par le CSA et donc ouvertes aux chaînes étrangères, à la concurrence de chaînes émises depuis un autre pays de l'Union européenne et soumises à des niveaux d'obligations inférieurs à ceux des chaînes conventionnées en France. Leurs ressources dépendent très majoritairement des reversements des distributeurs qui les commercialisent auprès des abonnés.
Or, les textes réglementaires qui encadrent leurs activités sont en très grande partie identiques à ceux des chaînes analogiques et des chaînes de la TNT qui, elles, s'inscrivent dans un marché strictement national et peuvent être reçues directement par l'ensemble des téléspectateurs. Aussi, l'A.C.C.e.S.
demande instamment à ce que les spécificités de leur économie et de leurs formats soient reconnues par le texte législatif dont découle le décret qui fixe leurs obligations.
La reconnaissance de ces spécificités passe par leur inscription dans l'article 33 de la loi du 30 septembre 1986 : l Il s'agit, en premier lieu, de supprimer au 9°, qui fixe leurs obligations de diffusion d'oeuvres cinématographiques, la référence aux heures de grande écoute dont l'ensemble des acteurs s'accorde à reconnaître qu'elles n'ont pas de signification pour des chaînes dont les modes de consommation sont foncièrement différents de ceux des chaînes nationales. En effet, alors que l'audience des chaînes nationales se concentre sur les horaires de début de soirée, les chaînes thématiques qui pratiquent la multidiffusion sont indifféremment regardées en dehors des grands rendez-vous du “prime time”.
l Il s'agit, en deuxième lieu, de laisser au CSA le soin de fixer les quotas de diffusion des oeuvres cinématographiques dans les mêmes conditions qu'il fixe les quotas de diffusion des oeuvres audiovisuelles : sans que la proportion d'oeuvres européennes puisse être inférieure à 50 %, les proportions d'oeuvres françaises et européennes peuvent varier en fonction de l'importance des investissements dans la production.
l Il s'agit, en troisième lieu, de permettre aux chaînes françaises, confrontées à de réelles difficultés d'accès aux droits, de bénéficier de la même faculté (autorisée par la directive européenne Télévision sans frontières) que les chaînes européennes avec lesquelles elles sont en concurrence : atteindre le quota de 50 % d'oeuvres européennes « chaque fois que cela est réalisable ».
l Il s'agit, enfin, de permettre au CSA d'adapter, dans les conventions qu'il conclut avec chacune des chaînes, les règles générales fixées par décret à la situation particulière de chaque chaîne, en fonction de sa programmation, de sa situation économique et de son environnement concurrentiel.
Afin d'établir un régime spécifique qui les distingue des chaînes hertziennes, l'A.C.C.e.S. propose d'ajouter, en fin d'article 33, les alinéas suivants : «Les décrets en Conseil d'État qui fixent les principes généraux définissant les obligations des services de télévision n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel concernant : 1° les règles générales de programmation, 2° la publicité, le téléachat et le parrainage, 3° la contribution des éditeurs de services au développement de la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, 4° le régime de diffusion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, tiennent compte des caractéristiques de ces services en matière d'audience et de programmation.
Dans le respect des règles générales fixées en application de la présente loi, la convention passée avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel fixe les règles particulières applicables au service, en fonction des caractéristiques propres au service, de l'étendue de la diffusion du service, de la part du service dans le marché publicitaire, du respect de l'égalité de traitement entre les différents services et des conditions de concurrence propres à chacun d'eux, ainsi que du développement de la télévision n'utilisant pas des fréquences hertziennes terrestres.» Cette opportunité de reconnaître et d'établir, grâce au projet de loi, un véritable statut pour les chaînes conventionnées n'a malheureusement pas été retenue par le Sénat.
Pourtant, les modifications que propose l'A.C.C.e.S. permettraient, dans le cadre général des quotas de diffusion et de l'obligation d'investissement qui s'imposent à toutes les chaînes, d'adapter leur application afin que les chaînes thématiques puissent contribuer, dans des conditions plus appropriées à leurs formats, au développement de la production audiovisuelle française.
L'A.C.C.e.S. souhaite que l'ensemble de ces propositions soit entendu par les députés à l'occasion de l'examen du projet de loi sur la télévision du futur, prévu au mois de janvier.
1er décembre 2006 - Légipresse N°237
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