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Tribune


01/04/2012


Culture, médias, élections : un rendez-vous difficile



 

La grand-messe électorale bat son plein : les organisations de la culture et de la communication, comme à chaque élection, se préoccupent de ce que les candidats proposent.
Aujourd'hui, une seule chose ou presque ressort des déclarations des uns et des autres : à bas Hadopi ! À l'exception notable de Nicolas Sarkozy qui a voulu la réponse graduée, les autres prétendants à l'Elysée veulent supprimer l'autorité indépendante.
Cependant, soucieux de ménager l'après 6 mai et ses relations avec le monde de la création, François Hollande a finalement temporisé, promettant une large concertation et une nouvelle loi qui permettra de remplacer l'Hadopi par autre chose. Mais quoi ? Nous ne savons pas, nous verrons. Il n'y a en guise de programme qu'une promesse de concertation pour « l'exception culturelle Acte II ». Quant à la licence globale, contraire aux traités OMPI de 1996 et aux textes européens et français, il n'en est plus question. Ouf ! Car le droit exclusif est la pierre angulaire de la propriété littéraire et artistique. Il est possible de débattre des mérites respectifs de la gestion individuelle ou de la gestion collective. Mais encore faut-il admettre que tout titulaire de droits est d'abord en mesure de maîtriser l'exploitation de son oeuvre et d'en négocier la valeur. Le nier, c'est revenir avant Beaumarchais, au bon plaisir du Prince et à la spoliation de la création. Internet bouleverse notre environnement.
Mais je ne vois pas en quoi il remet en question ce principe.
Ces polémiques autour d'Hadopi et de la réponse graduée ont aussi un inconvénient : on ne parle guère des autres sujets qui ne manquent pas. Je pense à la politique européenne dans le domaine des médias et de la propriété intellectuelle, enjeu majeur pour le futur président. Il suscite de belles déclarations mais bien peu d'actes concrets. Tout se passe comme si, après les années quatre-vingt qui ont vu naître la directive Télévision sans frontières (TSF) et les années quatre-vingt-dix qui ont été celles des directives sur les droits d'auteur sur internet et la responsabilité des intermédiaires, les grands chantiers étaient en panne.Certes, Michel Barnier ne ménage pas sa peine pour défendre la propriété littéraire et artistique.
Chargé de préparer une directive sur la gestion collective à l'heure du numérique, le commissaire est favorable aux ayants droit mais en butte à un climat à Bruxellesqui consiste souvent à juger ceux-ci comme des obstacles au développement de l'économie numérique.
La volonté d'appliquer strictement les principes du marché libre et de la concurrence pure et parfaite dans le secteur culturel provoque plus de problèmes qu'elle ne résout les difficultés.
La France, soyons lucides, est beaucoup plus isolée dans l'Europe à 27 qu'elle ne l'a été pendant de longues années pour soutenir droits d'auteur et aides à la création au sein d'institutions européennes peu enclines à malmener les avantages fiscaux irlandais ou luxembourgeois, lesquels protègent Google ou Amazon. L'Europe favorise la dérégulation et fait le jeu des acteurs non européens les plus puissants. C'est un comble ! Or, ces nouveaux acteurs ont vocation à être intégrés à l'économie européenne de la culture et des médias sans subir un traitement particulier et en étant soumis aux règles de protection des contenus et de participation au financement de la création.
L'Europe est donc un enjeu majeur mais dont personne ne parle comme d'une priorité. Et évoque-ton sérieusement les autres sujets ? Qu'en est-il de la réflexion sur le sens du service public de la télévision ? N'est-on pas au milieu du gué ? Nicolas Sarkozy a fait oeuvre utile en faisant supprimer la publicité en journée. La logique profonde du service public voudrait que France Télévisions y renonce totalement. Pour autant, le service public exprime-t-il une télévision audacieuse dégagée du carcan de l'audience ? France Télévisions, quel que soit le talent de ceux qui y travaillent, n'est-elle pas équivoque dans ses objectifs et ses ambitions ? J'ai souvent l'occasion de le souligner : Radio France, sans publicité commerciale, n'est-elle pas aisément identifiable ? À l'inverse, perçoit-on clairement ce qu'est France Télévisions ? Un pas a été fait dans la bonne direction, il faut le fortifier, avoir du courage pour augmenter la redevance et garantir un financement public.
Quant à la nomination des dirigeants des sociétés de programmes publiques, il vaudrait mieux que le président de la République abandonne cette mauvaise idée de s'en mêler. Enfin n'oublions pas que l'avenir du service public est rien moins qu'assuré compte tenu de l'inévitable mise en cause de son mode de financement (la taxe payée par les fournisseurs d'accès) par Bruxelles. De cela on ne parle guère.
Parle-t-on par ailleurs de l'évolution des chaînes privées ? Les milliers de documentaristes de la Scam constatent que les chaînes gratuites de la Tnt ne participent pas à la production de documentaires si on entend bien par documentaires ce qui n'est ni reportages ni magazines ni « docu-réalité ». Comme le souligne le rapport qui vient d'être remis à Frédéric Mitterrand (1), le Cosip ne doit pas aider de manière indifférenciée toutes les oeuvres alors même que certaines exigent beaucoup plus que d'autres en termes d'énergie créatrice, d'écriture, de tournage, de montage, d'investissements On le voit, la campagne ne donne pas une direction précise.
Espérons que l'après 6 mai démentira le sentiment que la culture reste marginale dans les campagnes électorales.
1er avril 2012 - Légipresse N°293
982 mots
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