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Propriété intellectuelle
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14/05/2025
Abracadabra Fouchtra ! Le règlement administratif est un contrat et dès lors, l'artiste-interprète doit consentir à la cession
Le droit de l'Union s'oppose à une réglementation nationale qui prévoit la cession, par la voie réglementaire, aux fins d'une exploitation par l'employeur, des droits voisins d'artistes-interprètes ou exécutants engagés sous statut de droit administratif, pour les prestations réalisées dans le cadre de leur mission au service de cet employeur, en l'absence de consentement préalable de ces derniers, les États membres restant toutefois libres de déterminer les modalités de ce consentement, notamment en cas d'exécution collective.
1. CJUE. Tours de passe-passe. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) peut tout faire ! Ainsi, du point de vue procédural, la Cour peut reformuler les questions préjudicielles pour donner les réponses qu'elle souhaite donner. Elle peut trancher un litige soumis par un juge, ici le Conseil d'État belge, et refuser de répondre aux questions que celui-ci lui pose. Dans le fond du droit, la Cour peut encore justifier ses positions en s'appuyant sur des textes qui ne règlent pas la ...
Cour de Justice de l'Union européenne, 6 mars 2025, FT, AL, ON c/ État belge, en présence de : Orchestre national de Belgique (ONB)
Jean-Michel BRUGUIÈRE
Professeur à l'Université de Grenoble-Alpes Directeur du CUERPI Avocat of ...
14 mai 2025 - Légipresse N°435
4792 mots
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(1) CJUE, gr. ch., 3 juill. 2012, aff. C-128/11, UsedSoft (Sté) c/ Oracle International Corp. (Sté), D. 2012. 2142, obs. J. Daleau, note A. Mendoza-Caminade ; ibid. 2101, point de vue J. Huet ; ibid. 2343, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ; RTD com. 2012. 542, obs. F. Pollaud-Dulian ; ibid. 790, chron. P. Gaudrat ; RTD eur. 2012. 947, obs. E. Treppoz ; Rev. UE 2015. 442, étude J. Sénéchal ; GAPI, Comm. 9, obs. M. Vivant ; Propr. intell. 2012, n° 44, p. 333, obs. A. Lucas ; CCE 2012. Comm. 106, note C. Caron. Plus réc., Com. 6 mars 2024, n° 22-23.657, D. 2024. 477 ; ibid. 1877, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; ibid. 2025. 163, obs. N. Binctin, A. Favreau, A. Mendoza-Caminade et C. Le Stanc ; Légipresse 2024. 699, obs. C. Alleaume ; Com. 6 mars 2024, n° 22-18.818, D. 2025. 163, obs. N. Binctin, A. Favreau, A. Mendoza-Caminade et C. Le Stanc ; ibid. 360, obs. S. Dormont, J. Groffe-Charrier, J. Lapousterle, P. Léger et P. Sirinelli ; Dalloz IP/IT 2024. 526, obs. P.-Y. Gautier ; RTD civ. 2024. 412, obs. H. Barbier ; Com. 6 mars 2024, n° 22-23.651, 3 décis. commentées in Propr. intell. 2024, n° 91, p. 40, obs. A. Lucas ; RDC 2024. 34, note J.-M. Bruguière.
(2) Pour un 1er comm., v. CCE 2025. Comm. 30, note P. Kamina.
(3) « [Le] droit est la plus puissante des écoles de l'imagination. Jamais poète n'a interprété la nature aussi librement qu'un juriste la réalité » (J. Giraudoux, La guerre de Troie n'aura pas lieu, II, 5).
(4) Sur ce point, la Cour juge qu'il « ressort d'une jurisprudence constante » que, si « une règle de droit nouvelle […] ne s'applique pas aux situations juridiques nées et définitivement acquises sous l'empire de la loi ancienne, elle s'applique aux effets futurs d'une situation née sous l'empire de la règle ancienne, ainsi qu'aux situations juridiques nouvelles » et qu'« il n'en va autrement, et sous réserve du principe de non-rétroactivité des actes juridiques, que si la règle nouvelle est accompagnée de dispositions particulières qui déterminent spécialement ses conditions d'application dans le temps » (pt 72). Partant de là, elle constate que l'arrêté royal « n'a pas épuisé ses effets juridiques à la date de son entrée en vigueur » et qu'il a donc « vocation à produire régulièrement ses effets sur les exécutions des artistes-interprètes ou exécutants concernés pendant toute la durée de son application, y compris après l'expiration, le 7 juin 2021, du délai de transposition de [la] directive ». Elle en conclut donc que cette dernière « est applicable ratione temporis à la cession, opérée » par ledit arrêté, « des droits voisins des musiciens de l'ONB afférents aux prestations réalisées après le 7 juin 2021 ».
(5) Tout ceci sans évoquer les inévitables objectifs des dir. précitées que la Cour surinterprète un peu systématiquement.
(6) Deux critiques peuvent ici être formulées. Sur la lecture « structuraliste », il faut observer que l’empilement des textes ne produit pas nécessairement du sens. Quant aux sources supérieures, pourquoi ne pas avoir cité plus simplement l'art. 17 Charte UE comme elle l'a fait dans son arrêt RAAP (CJUE, gr. ch., 8 sept. 2020, aff. C265/19, Légipresse 2020. 536 et les obs. ; ibid. 549, étude G. Querzola ; AJDA 2020. 2365, chron. P. Bonneville, C. Gänser et S. Markarian ; D. 2020. 1721 ; Dalloz IP/IT 2020. 524, chron. N. Maximin ; ibid. 2021. 30, obs. V.-L. Benabou ; RTD com. 2021. 104, obs. F. Pollaud-Dulian ; RTD eur. 2021. 979, obs. F. Benoît-Rohmer ; Propr. intell. 2021, n° 78, p. 70, obs. A. Lucas) ? Rappelons que l'art. 17 dispose que : « 1. Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu'elle a acquis légalement, de les utiliser, d'en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L'usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l'intérêt général. / 2. La propriété intellectuelle est protégée. » Cet article a d'ailleurs été visé dans le fameux arrêt Luksan qui n'est pas cité, nous semble-t-il, dans la décision. Rappelons que cet arrêt Luksan a fondé, en droit d'auteur (mais la solution peut facilement être transposée aux droits voisins) l'interdiction des attributions initiales de droit d'auteur au producteur d'une œuvre audiovisuelle (hypothèse voisine d'une cessio legis ici en cause) sur les dispositions des dir. 2001/29/CE et 2006/115/CE désignant l'auteur (le réalisateur, au minimum) en tant que bénéficiaire (donc titulaire originaire) des droits d'exploitation concernés, CJUE, 3e ch., 9 févr. 2012, aff. C-277/10, Martin Luksan c/ Petrus van der Let, Légipresse 2012. 283 et les obs. ; D. 2012. 2836, obs. P. Sirinelli ; RTD com. 2012. 318, obs. F. Pollaud-Dulian ; RTD eur. 2012. 964, obs. E. Treppoz ; CCE 2012. Comm. 37, obs. C. Caron ; Propr. intell. 2012, n° 45, p. 425, obs. V.-L. Benabou.
(7) RDC 2024. 34, note J.-M. Bruguière.
(8) M. Vivant et J.-M. Bruguière, Droit d'auteur et droits voisins, 5e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2024, n° 357.
(9) Civ. 1re, 1er mars 2005, n° 02-10.903, AJDA 2005. 854 ; ibid. 1905, note J.-M. Bruguière ; D. 2005. 1353, obs. P. Allaeys ; JCP 2005. IV. 1822 ; JCP E 2005, n° 1216, P. 9, obs. J. Le Mestre ; RLDI avr. 2005, n° 114, p. 17, obs. L. Costes ; RIDA 2005. 439, obs. Kéréver ; CCE 2005. Comm. 64, note C. Caron.
(10) Pour un avis contraire, v. CCE 2025. Comm. 30, note P. Kamina.
(11) V. supra note 6 et les pts 85 et 86 de l'arrêt.