Entre dans les prévisions de l’article 434-24 du code pénal, toute expression outrageante, qu’elle s’adresse directement ou par la voie d’un rapporteur nécessaire à un magistrat de l’ordre judiciaire, dans l’exercice de ses fonctions ou à l’occasion de cet exercice, même si elle présente un caractère public. La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel faute pour les juges d’avoir recherché, alors qu’ils avaient constaté que la partie civile savait que le prévenu postait sur son compte Facebook des messages relatifs à une procédure en cours, si les propos litigieux, la prenant explicitement à partie, ne s’adressaient pas directement à elle, même s’ils ont été tenus publiquement.
Un individu est poursuivi notamment pour outrages à magistrat pour avoir mis en cause sur sa page Facebook la juge aux affaires familiales saisie du litige qui l’oppose à son ex-compagne au sujet de leur enfant commun. L’attention de cette magistrate avait déjà été attirée sur de précédentes publications. Ayant demandé des explications au prévenu à l’audience, celui-ci lui a répondu qu’il poursuivrait « tant que l’enfant ne lui serait pas rendu » et, en effet, il a ...
Cour de cassation, (ch. crim.), 25 mars 2025, Le procureur général près la Cour d’appel d’Agen et Mme L.
Emmanuel DREYER
Professeur à l'Ecole de droit de la Sorbonne (Université Paris 1)
12 juin 2025 - Légipresse N°436
2999 mots
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(1) C. Barret, Une publication sur les réseaux sociaux peut constituer un outrage à magistrat, JCP 2025. Libres propos 457.
(2) T. Besse, La pénalisation de l’expression publique, Institut francophone pour la justice et la démocratie, 2019, p. 93, n° 106.
(3) Crim. 31 oct. 1890, D. 1891.1.45 ; v., depuis, Crim. 7 déc. 2004, n° 04-81.162 P, AJDA 2005. 622 ; RSC 2005. 302, obs. Y. Mayaud ; Dr. pénal 2005. Comm. 54, obs. M. Véron ; CCE 2005. Comm. 105, obs. A. Lepage.
(4) Crim. 13 déc. 1894, D. 1897.1.345, note L. Sarrut ; v., depuis, Crim. 29 mars 2011, n° 10-87.254, D. 2012. 765, obs. E. Dreyer ; Légipresse 2011. 464 et les obs. ; CCE 2011. Comm. 89, obs. A. Lepage.
(5) V. égal., E. Raschel, Droit de la presse, Dalloz, 2025, p. 198, n° 231.
(6) Crim. 22 oct. 2024, n° 23-82.531, Légipresse 2024. 593 et les obs. ; ibid. 2025. 180, obs. E. Tordjman, O. Lévy et J. Sennelier ; Crim. 23 mai 2018, n° 17-82.355, Crim. 23 mai 2018, n° 17-82.355, D. 2018. 1153 ; AJ pénal 2018. 418, obs. É. Clément ; RSC 2018. 686, obs. Y. Mayaud ; ibid. 712, obs. E. Dreyer ; JCP 2018. 898, note A. Serinet ; Crim. 10 janv. 2017, n° 16-81.558, Dr. pénal 2017. Comm. 55, obs. P. Conte.
(7) Mais on ne saurait déduire de la seule publicité donnée à un propos la preuve d’une volonté de transmettre ce propos à la personne qu’il concerne, Crim. 15 févr. 2022, n° 21-82.164, Légipresse 2022. 140 et les obs. ; CCE 2022. Comm. 36, obs. A. Lepage ; JCP 2022. 925, n° 21, obs. B. Beignier.
(8) Expression utilisée lors des travaux préparatoires (D. 1881.IV.66) mais qui confondait alors désir et réalité.
(9) V. le rappelant, Crim. 19 juin 2018, n° 17-84.153, RSC 2019. 111, obs. E. Dreyer ; Dr. pénal 2018. Comm. 174, obs. P. Conte.
(10) V. sur ce débat, E. Dreyer, Droit de la communication, 2e éd., LexisNexis, 2022, p. 1183 ets. ; G. Lécuyer, Liberté d’expression et responsabilité, Dalloz, 2006, p. 151, n° 124.
(11) V. légitimant les traitements différents appliqués à l’outrage et à l’injure publique dès lors qu’il s’agit d’agissements « de nature différente », Cons. const. 9 avr. 2021, n° 2021-896 QPC, Alain P., § 14, Légipresse 2021. 274, étude T. Besse ; ibid. 2022. 121, étude E. Tordjman, O. Lévy et J. Sennelier ; AJ pénal 2021. 370, obs. N. Verly ; D. 2021. 1274, note N. Droin ; ibid. 2109, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et E. Tricoire ; ibid. 2022. 1228, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; AJCT 2023. 267, étude S. Lavric.
(12) La situation aurait été bien différente si, au lieu d’utiliser ce « vous, le prévenu avait outragé la magistrate en parlant d’elle à la troisième personne du singulier : le jugement de valeur à son égard transmis aux tiers aurait alors été perçu comme une diffamation ou une injure publique spéciale (Loi de 1881, art. 31 ou 33 ; Crim. 15 nov. 2016, n° 15-86.600, Légipresse 2016. 649 et les obs.).
(13) Comp. F. Safi, Outrage public ou injure publique pour des propos diffusés en ligne ?, in M.-C. Sordino (dir.), Les excentricités du droit pénal, Mare & Martin, 2024, p. 41.
(14) V. sur cette dérive jurisprudentielle, E. Dreyer, Droit pénal spécial, 2e éd., LGDJ, 2023, n° 1201. La jurisprudence la plus récente s’oppose à un tel raisonnement, v., par ex., Crim. 29 mars 2017, n° 16-82.884, Légipresse 2017. 245 et les obs. ; ibid. 386, Étude A. Serinet ; AJDA 2017. 1205 ; D. 2017. 818 ; AJ pénal 2017. 278, note D. Luciani-Mien ; RSC 2018. 105, obs. E. Dreyer ; Gaz. Pal. 23 mai 2017, p. 28, obs. F. Fourment ; Crim. 1er mars 2016, n° 15-82.824, Légipresse 2016. 139 et les obs. ; RSC 2016. 63, obs. Y. Mayaud Dr. pénal 2016. Comm. 92, obs. P. Conte ; Gaz. Pal. 24 mai 2016, p. 27, obs. F. Fourment.