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Injure
/ Cours et tribunaux
10/07/2025
Une injure homophobe dépasse nécessairement les limites admissibles de la liberté d'expression
La Cour de cassation retient que la publication sur un réseau social de propos outrageants et méprisants à l'égard d'un élu, à raison de son orientation sexuelle, ne relèvent pas de la libre critique, dans un contexte de polémique politique, participant d'un débat d'intérêt général quant aux choix de la municipalité dans le cadre de la campagne de lutte contre l'homophobie.
Un opposant à l'équipe municipale publie sur son compte Twitter d'assez nombreux messages, dont deux le même jour visant M. B., adjoint au maire de Laval. Le premier message était rédigé comme suit : « Minable B. ! Ta ville, comme tu dis, a vécu des siècles et des siècles sans faire de la propagande pour tes “penchants” que tu ne cesses de mettre en avant. » Le second était rédigé comme suit : « Lui au moins, cet Idrissa Gueye, il ne ferait pas bon ménage avec le ...
Cour de cassation, (ch. crim.), 17 juin 2025, n° 24-82.383
Emmanuel DREYER
Professeur à l'Ecole de droit de la Sorbonne (Université Paris 1)
10 juillet 2025 - Légipresse N°437
2822 mots
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(1) E. Dreyer, Droit de la communication, 2e éd., LexisNexis, 2022, p. 815, n° 1403 ; E. Raschel, Droit de la presse, Dalloz, 2025, p. 398, n° 526.
(2) De la même façon, dans le code pénal, l'homophobie (et le sexisme) ainsi que le racisme constituent des circonstances aggravantes générales : la motivation de l'auteur des faits n'est pas relevée pour elle-même mais en ce qu'elle aggrave le crime ou le délit commis (art. 132-77 et 132-76).
(3) Crim. 8 janv. 2019, n° 17-81.396, Légipresse 2019. 9 et les obs. ; ibid. 213, obs. B. Domange ; ibid. 2020. 322, étude N. Mallet-Poujol ; D. 2019. 512, note E. Raschel ; ibid. 2266, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ; ibid. 2020. 237, obs. E. Dreyer ; JA 2019, n° 595, p. 11, obs. X. Delpech ; v. déjà, Crim. 9 déc. 2014, n° 13-85.401,Légipresse 2015. 9 et les obs. ; AJDA 2015. 428 ; D. 2015. 12 ; ibid. 342, obs. E. Dreyer ; AJCT 2015. 166, obs. S. Lavric ; Dr. pénal 2015. Comm. 48, obs. M. Véron.
(4) Comp. Crim. 23 janv. 2018, n° 17-80.524,Légipresse 2018. 66 et les obs. ; ibid. 208, comm. E. Andrieu ; D. 2019. 216, obs. E. Dreyer.
(5) CEDH 11 avr. 2024, n° 81249/17, Allouche c/ France, § 50, Légipresse 2024. 512, obs. C. Bigot ; AJDA 2024. 1794, chron. L. Burgorgue-Larsen ; RSC 2024. 681, obs. D. Roets.
(6) CEDH 14 janv. 2020, n° 41288/15, Beizaras et Levickas c/ Lituanie, § 108, Légipresse 2020. 85 et les obs.
(8) V., estimant que les limites de la liberté d'expression ont précisément été dépassées à raison de la dimension raciale de l'injure, Crim. 19 déc. 2023, n° 22-86.384,Légipresse 2024. 14 et les obs. ; ibid. 190, obs. O. Lévy, E. Tordjman et J. Sennelier ; ibid. 257, obs. N. Mallet-Poujol ; CCE 2024. Comm. 18, obs. A. Lepage ; JCP 2024. 1016, n° 4, obs. T. Besse.
(9) V. déjà, Crim. 19 fév. 2019, n° 18-82.745, jugeant que « les propos constitutifs d'injures visant la personne concernée en raison de son origine ou de son orientation sexuelle, dont la répression est une restriction nécessaire à la liberté d'expression dans une société démocratique, ne relèvent pas de la libre critique, participant d'un débat d'intérêt général » ; Légipresse 2019. 129 et les obs. ; ibid. 2020. 127, chron. E. Tordjman, G. Rialan et T. Beau de Loménie ; D. 2020. 237, obs. E. Dreyer.
(10) V. aussi, jugeant au sujet d'un propos de même nature « que la circonstance que les propos incriminés ont été tenus à l'occasion d'un débat d'intérêt public au cours d'une séance d'un conseil municipal n'était pas de nature à leur retirer leur caractère injurieux à l'égard des personnes visées », Crim. 28 nov. 2017, n° 16-85.637, Légipresse 2017. 589 et les obs. ; D. 2018. 208, obs. E. Dreyer ; Dr. pénal 2018. Comm. 45, obs. P. Conte.
(11) Crim. 13 avr. 1999, n° 98-81.625, D. 2000. 119, obs. B. de Lamy ; Dr. pénal 1999. Comm. 118, obs. M. Véron.
(12) TGI Grenoble, 18 déc. 1973, D. 1975. Jur. 489, note J. Foulon-Piganiol. Si la Cour de cassation ne semble pas avoir exprimé une exclusion de principe en la matière, la solution s'impose : la bonne fois ne peut constituer un fait justificatif au profit du raciste, « considéré comme exerçant un droit et étant motivé par un but légitime […] S'il peut y avoir un bon diffamateur, il ne peut y avoir un bon raciste » (B. de Lamy, La liberté d'opinion et le droit pénal, LGDJ, 2000, p. 193, n° 335).
(13) Crim. 28 mars 2006, n° 05-80.634, AJ pénal 2006. 265 ; Dr. pénal 2006. Comm. 83, obs. M. Véron, reprenant le principe d'une exclusion énoncée not. par Crim. 11 juill. 1972, n° 70-93.211.
(14) T. Besse, Pour une exclusion (plus) franche de l'exceptio veritatis en matière de diffamation haineuse, Légipresse 2024. 542.