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Liberté éditoriale
/ Cours et tribunaux
10/07/2025
Refus de publication d'une contribution scientifique : reconnaissance de la liberté éditoriale, composante des libertés académiques des enseignants-chercheurs, en méconnaissance des usages universitaires
La Cour énonce qu'il résulte de l'article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l’homme, que la liberté d’expression qui englobe la liberté éditoriale, est un droit dont l'exercice ne revêt un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi. Si le refus d'insérer une contribution dans un ouvrage publié à la suite d'un colloque est susceptible de heurter les traditions universitaires et les principes d'objectivité et de tolérance, il ne peut, à défaut d'un texte spécial, être considéré comme abusif.
Par ailleurs, en l'absence d'atteinte à la liberté d'expression du requérant résultant d'un refus de transmettre sa contribution à l'éditeur, les juges n'ont pas à procéder au contrôle de proportionnalité invoqué.
Les 28 et 29 mars 2019, deux maîtres de conférences ont organisé un colloque sur la personnalité juridique de l'animal, sous le parrainage de la fondation Brigitte-Bardot. Le sujet était au cœur de leurs travaux de recherche et ce colloque devait être le deuxième d'une trilogie. Ces derniers avaient sollicité l'un de leurs collègues, professeur agrégé dans la même université, pour faire la synthèse du colloque. Le 21 mars 2019, un contrat d'édition a été conclu entre un ...
Cour de cassation, (1re ch. civ.), 26 février 2025, Monsieur R.
Krystelle Biondi
Avocat au Barreau de Paris
10 juillet 2025 - Légipresse N°437
3767 mots
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(1) Aix-en-Provence, 6 juill. 2023, no 19/17688 : « Il ne ressort pas de l'échange, et plus spécifiquement du dernier courriel du 2 mars, un engagement de l'une ou l'autre des parties, à une quelconque obligation. »
(2) Ibid.
(3) CGFP, art. L. 121-1 et s.
(4) Rép. cont. adm., v° Fonction publique : contentieux disciplinaire, par E. Aubin, no 76, qui cite les concl. du rapporteur public dans une affaire concernant la sanction disciplinaire d'un policier (CAA Paris, 31 déc. 2014, no 13PA00914, Souid (Mme), AJDA 2015. 639, concl. C. Oriol) : « Ce qui peut être toléré d'un fonctionnaire occupant un emploi auquel est traditionnellement attachée une grande liberté d'expression, l'enseignement supérieur par exemple, ou un emploi purement technique, ne peut l'être d'un policier en fonctions, garant de l'ordre public. »
(5) C. éduc., art. L. 952-2 : « Les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d'une pleine indépendance et d'une entière liberté d'expression dans l'exercice de leurs fonctions d'enseignement et de leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du présent code, les principes de tolérance et d'objectivité. Les libertés académiques sont le gage de l'excellence de l'enseignement supérieur et de la recherche français. Elles s'exercent conformément au principe à caractère constitutionnel d'indépendance des enseignants-chercheurs. » Cet article est issu de l'art. 34 de la loi d'orientation relative à l'enseignement supérieur, dite « Edgar Faure » du 12 nov. 1968.
(6) C. Fernandes, La liberté académique, une liberté spécifique ?, Rev. dr. homme, no 24, 2023 ; C. Moniolle, Indépendance et liberté d'expression des enseignants-chercheurs, AJDA 2001. 226.
(7) Cons. const. 20 janv. 1984, no 83-165 DC : « Les fonctions d'enseignement et de recherche non seulement permettent mais demandent, dans l'intérêt même du service, que la libre expression et l'indépendance des personnels soient garanties par les dispositions qui leur sont applicables » (consid. 19), et, « en ce qui concerne les professeurs […] la garantie de l'indépendance résulte en outre d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République » (consid. 20).
(8) C. Moniolle, Indépendance et liberté d'expression des enseignants-chercheurs, préc.
(9) H. Flavier, L. Pech et S. Platon, Liberté d'expression des agents publics, J.-Cl. Communication 2017, no 14.
(10) CE 21 juin 2019, no 424582, AJDA 2019. 2140, note H. Truchot ; Gaz. Pal. 2 juill. 2019, no 355 : les propos d'un professeur comportant des allusions personnelles à caractère sexuel et tenus auprès des étudiants ne sont pas protégés par la liberté d'expression de l'art. L. 952-2 c. éduc.
(11) Loi no 2020-1674 du 24 déc. 2020.
(12) O. Beaud, Quand le Conseil d'État invoque la liberté d'expression des universitaires pour censurer une sanction disciplinaire. Sans convaincre, D. 2023. 380.
(14) Collège de déontologie de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, avis sur les libertés académiques, 21 mai 2021, rapport 2021. 16 : « Cette liberté s'affirme d'une double manière. D'une part, elle vise à protéger l'universitaire des influences et autorités extérieures. Il s'agit de garantir sa liberté d'opinion et d'expression. D'autre part, elle assure entre les universitaires eux-mêmes un débat scientifique ouvert, où les différents points de vue concourent à faire progresser la connaissance dans un souci de vérité. Dans ces échanges, l'intégrité scientifique est pour tous un impératif. »
(15) CEDH 23 juin 2009, no 17089/03, Sorguç c/ Turquie : la liberté académique les « autorise notamment […] à exprimer librement leurs opinions sur l'institution ou le système au sein duquel ils travaillent ainsi qu'à diffuser sans restriction le savoir et la vérité ».
(16) TGI Paris, 3e ch., 10 avr. 2002, Chancel et Cancel Bayle c/ Hachette Filipacchi Associés : « Le choix du titre d'un article de presse ou des intertitres de celui-ci relève de la liberté éditoriale, corollaire de la liberté d'expression et ne peut être appréhendé indépendamment du contenu des paragraphes qu'il désigne », Légipresse 2002, I, p. 52.
(17) M. Bacache-Gibelli, Traité de droit civil : les obligations - La responsabilité civile extracontractuelle, 4e éd., Economica, 2021, nos 79 et s. ; P. Brun, Responsabilité civile extracontractuelle, 6e éd., LexisNexis, 2023, nos 332 et s. ; Civ. 1re, 20 sept. 2017, no 16-20.456 : « L'effet relatif des contrats n'interdit pas au tiers à une convention de se prévaloir du manquement contractuel commis par une partie, dès lors que ce manquement est directement à l'origine d'un préjudice subi par lui. », RTD com. 2017. 977, obs. B. Bouloc.
(18) Cass., ass. plén., 6 oct. 2006, no 05-13.255, Myr'Ho, R., p. 399 ; D. 2006. 2825, obs. I. Gallmeister, note G. Viney ; ibid. 2007. 1827, obs. L. Rozès ; ibid. 2897, obs. P. Brun et P. Jourdain ; ibid. 2966, obs. S. Amrani-Mekki et B. Fauvarque-Cosson ; AJDI 2007. 295, obs. N. Damas ; RDI 2006. 504, obs. P. Malinvaud ; RTD civ. 2007. 61, obs. P. Deumier ; ibid. 115, obs. J. Mestre et B. Fages ; ibid. 123, obs. P. Jourdain : nécessité « que le tiers établisse l'existence d'une faute délictuelle envisagée en elle-même indépendamment de tout point de vue contractuel », au motif que « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ». Arrêt confirmé par Cass., ass. plén., 13 janv. 2020, no 17-19.963, D. 2020. 416, et les obs., note J.-S. Borghetti ; ibid. 353, obs. M. Mekki ; ibid. 394, point de vue M. Bacache ; ibid. 2021. 46, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; ibid. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; AJ contrat 2020. 80, obs. M. Latina ; RFDA 2020. 443, note J. Bousquet ; Rev. crit. DIP 2020. 711, étude D. Sindres ; RTD civ. 2020. 96, obs. H. Barbier ; ibid. 395, obs. P. Jourdain ; Dalloz actualité, 24 janv. 2020, obs. J.-D. Pellier : « Le manquement par un contractant à une obligation contractuelle est de nature à constituer un fait illicite à l'égard d'un tiers au contrat lorsqu'il lui cause un dommage […] il importe de ne pas entraver l'indemnisation de ce dommage », étant précisé que « dès lors le tiers au contrat qui établit un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage qu'il subit n'est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement ».
(19) Cass., ass. plén., 17 nov. 2023, no 21-20.723, Légipresse 2023. 595 et les obs. ; ibid. 2024. 48, comm. A. Tricoire ; AJ fam. 2023. 594, obs. V. Avena-Robardet ; RSC 2024. 90, obs. Y. Mayaud ; RTD civ. 2024. 79, obs. A.-M. Leroyer ; décision critiquée par P.-Y. Gautier et C. Perchet qui considèrent notamment que la dignité humaine fait partie de la protection de la morale visée à l'article 10, § 2, Conv. EDH (D. 2023. 2086 ; ibid. 2246, point de vue P.-Y. Gautier et C. Perchet).
(20) Versailles, 29 oct. 2015, no 14/02561 : « Attendu que la liberté d'expression est un droit dont l'exercice ne revêt un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi ; […] que le refus de l'auteur d'un catalogue raisonné d'y insérer une œuvre, fût-elle authentique, ne peut, à défaut d'un texte spécial, être considéré comme fautif […] ».
(21) C. Moniolle, Indépendance et liberté d'expression des enseignants-chercheurs, préc.
(22) D. Kuri et J.-P. Marguénaud, Le droit à la liberté d'expression des universitaires, D. 2010. 2921.
(23) « Les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi. »
(24) A. Bénabent, Droit des obligations, 20e éd., LGDJ, 2023, no 295.
(25) Dans un courriel du 2 mars 2019, les organisateurs indiquaient à leur collègue : « À cet effet, ta contribution écrite devra nous parvenir avant le 15 mai 2019. »
(26) P.-Y. Gautier et N. Blanc, Propriété littéraire et artistique, 3e éd., LGDJ, 2023, no 510 : « Les accords de principe et autres avant-contrats obligent les parties, qu'il y ait eu ou non transfert de droits. »
(27) Civ. 1re, 16 mars 1983, Bull. civ. I, no 101, RIDA 3/1983, p. 80 : en passant commande, la Régie Renault « s'est mise dans l'obligation contractuelle de mener la réalisation de l'œuvre jusqu'à son terme de façon à satisfaire pleinement aux exigences du droit moral de l'artiste dont elle a fait aussitôt siens les intérêts, et donc tout d'abord à permettre la divulgation de l'œuvre ».
(28) Civ. 1re, 24 févr. 1987 : « Attendu, cependant, que la cession des droits patrimoniaux de l'auteur sur son œuvre n'est pas nécessairement concomitante avec la commande qui peut lui être faite de cette œuvre, que l'existence d'une telle commande ne dépend pas de celle de la mention d'un prix et qu'en s'abstenant dès lors de rechercher si, sans faire apparaître d'ores et déjà une offre d'achat du droit d'exploiter l'œuvre à venir de Michel de Saint-Pierre, le libellé et le rapprochement des lettres et contrats ci-dessus n'établissaient pas à tout le moins qu'Antenne 2 lui avait passé commande de cette œuvre en lui donnant pour certaine la réalisation d'un feuilleton télévisé et si, en conséquence, son comportement ne justifiait pas l'allocation des dommages-intérêts réclamés, […] la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision » ; RIDA 1987. 186.