La Cour de cassation approuve l'arrêt de la cour d'appel qui, statuant sur le caractère diffamatoire de propos publiés dans un journal, qui mettaient en cause une avocate, a admis le directeur de la publication au bénéfice de la bonne foi, dont la démonstration ne saurait être subordonnée à la preuve de la vérité des faits ni à une contradiction effective avec la personne visée par les propos diffamatoires, mais suppose que le journaliste ait vérifié les informations, avant leur publication, par un recoupement suffisant de plusieurs sources fiables et convergentes.
Un article contenant une information en partie erronée peut-il bénéficier de la bonne foi ? La réponse est oui… avec un peu d'efforts.
De toutes les notions en débat dans un procès en diffamation, la bonne foi est sans doute la plus mouvante et la plus intéressante. Son statut en droit pénal a toujours été incertain : excuse absolutoire ? Fait justificatif ? Exception ? Un peu de tout ça, sans doute. Dans les décisions, le vocabulaire est fluctuant(1). Aujourd'hui, la bonne ...
Cour de cassation, (ch. crim.), 3 juin 2025, Mme Raquel G.
Renaud Le Gunehec
Avocat au Barreau de Paris - Normand et associés
Margaux BROCHELARD
Avocate au Barreau de Paris
30 octobre 2025 - Légipresse N°440
4081 mots
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(1) Par ex., Crim. 21 févr. 1967, n° 65-92.437 (« faits justificatifs autre que la vérité des faits ») ; Crim. 11 juin 1981, n° 79-94.739 (« exception » et « fait justificatif ») ; Crim. 4 déc. 2007, n° 06-87.444 (« faits justificatifs de nature à faire admettre la bonne foi » et permettant de combattre la présomption de mauvaise foi entendue comme l'intention de nuire), D. 2008. 298 ; AJ pénal 2008. 92. Ne qualifiant plus la chose, Crim. 5 sept. 2023, n° 22-84.763, Légipresse 2023. 449 et les obs. ; ibid. 2024. 190, obs. O. Lévy, E. Tordjman et J. Sennelier ; D. 2023. 1518 ; AJ pénal 2023. 504, obs. T. Besse ; Crim. 24 sept. 2024, n° 23-83.457, Légipresse 2024. 590 et les obs. ; ibid. 2025. 180, obs. E. Tordjman, O. Lévy et J. Sennelier. Mais tout récemment, Crim. 7 janv. 2025, n° 23-87.123, qui utilise encore les termes « excuse de bonne foi », Légipresse 2025. 12 et les obs.
(2) Crim. 21 avr. 2020, n° 19-81.172, Légipresse 2020. 273 et les obs. ; ibid. 2021. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy ; D. 2021. 197, obs. E. Dreyer ; Civ. 1re, 11 mai 2022, n° 21-16.497, Légipresse 2022. 276 et les obs. ; ibid. 421, étude R. Le Gunehec et A. Pastor ; ibid. 2023. 241, étude N. Mallet-Poujol ; D. 2022. 1071, note C. Bigot ; ibid. 1986, chron. X. Serrier, V. Le Gall, A. Feydeau-Thieffry, L. Duval, E. Buat-Ménard, V. Champ et S. Robin-Raschel ; ibid. 2023. 137, obs. E. Dreyer ; ibid. 855, obs. RÉGINE. Pour un ex. d'application par la juridiction de presse de première instance, précisant que le critère d'enquête sérieuse et la « base factuelle suffisante » se recoupent, TJ Nanterre, 17e ch. corr., 6 mai 2025, n° 21183000026, inédit.
(3) Crim. 31 oct. 2017, n° 16-84.226, JA 2017, n° 569, p. 10, obs. X. Delpech.
(4) V. à titre d'ex., Civ. 1re, 3 avr. 2007, n° 05-21.344, D. 2007. 1207 ; RTD com. 2007. 567, obs. N. Rontchevsky.
(5) Il est déjà arrivé au Canard enchaîné de bénéficier de la bonne foi sur la base d'un recoupement d'informations, sans contradictoire effectif. Cependant, dans une précédente espèce, le sérieux de l'enquête reposait sur des témoignages de nombreuses sources anonymes, confirmés par plusieurs journalistes, et d'autres éléments tels que des coupures de presse, une interview de la personne visée par les propos et la réaction publique du parquet, TGI Paris, 17e ch. civ., 14 mars 2012, n° 11/18232, Légipresse 2012. 344 et les obs.
(6) V. par ex., Crim. 7 mai 2018, n° 17-82.663, admettant que les imputations diffamatoires reposaient sur une base factuelle suffisante, dès lors que les signataires de l'art. avaient « disposé d'éléments de nature à étayer les deux séries d'imputations jugées diffamatoires, sans que puissent leur être reprochées des omissions ou approximations portant sur le détail des faits », Légipresse 2018. 305 et les obs. ; D. 2018. 1014 ; ibid. 2019. 216, obs. E. Dreyer.
(7) Crim. 5 sept. 2006, n° 05-86.567.
(8) Crim. 12 mars 2019, n° 18-82.750, Légipresse 2019. 196, chron. ; ibid. 2020. 127, chron. E. Tordjman, G. Rialan et T. Beau de Loménie ; ibid. 127, chron. E. Tordjman, G. Rialan et T. Beau de Loménie ; ibid. 193, étude N. Verly ; D. 2020. 237, obs. E. Dreyer.
(9) TGI Paris, 17e ch. corr., 13 mai 2011, n° 0908523035, Légipresse 2011. 587 et les obs.
(10) Crim. 15 mars 2016, n° 14-83.434.
(11) C'est de la notion d'intention, au sens du droit commun, que procèdent historiquement les critères canoniques de la bonne foi, qui se sont cristallisés progressivement entre le milieu du XIXe siècle et la fin des années 1930, F. Gras, Rappel historique sur la notion de bonne foi, Légicom 2006, n° 35, p. 145 (rappelant aussi qu'en matière de diffamation, délit de publication, l'intention est double : intention de publier le propos litigieux, d'abord, puis intention de nuire, qui se traduit par la présomption de mauvaise foi).