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Tribune


01/04/2010


Hommage à la jurisprudence



 

Amis de l'article 9, lisez Gala, surtout sa livraison du 24 mars 2010. En confiance, A s'y raconte. Son interview, annoncée en couverture (« Trois ans d'amour avec la star du JT »), illustre à merveille cette certitude jurisprudentielle : à chacun la maîtrise de sa propre vie privée.
Citons, et d'abord la première rencontre: « nos chemins s'étaient croisés par l'intermédiaire d'un ami commun. Ni C ni moi n'aurions pu imaginer que les choses allaient évoluer de cette manière. Nous nous sommes retrouvés un soir, lors d'un dîner donné par RDV en l'honneur de LR. C'était il y a trois ans. Moi je rentrais d'Australie, où j'étais parti faire le vide. Je suis assez timide, je reconnais qu'il m'a fallu un ou deux verres avant d'oser demander si elle était célibataire ou pas.
C'est un ami qui voyant qu'on se plaisait mais qu'aucun de nous deux ne pensait l'histoire possible, a finalement fait en sorte de nous… rapprocher. Tout ça c'est à lui qu'on le doit. ». D'accord, bons débuts, mais à présent qu'en est-il ? : « Nous sommes l'un et l'autre très indépendants, chacun de nous a gardé son appartement.
Lorsqu'on est tous les deux, c'est parce qu'on en a envie, parce qu'on le désire profondément, pas parce que quelque chose nous y contraint. Et puis… créer le manque de temps en temps, c'est bien aussi. Quand C n'est pas là, je me sens littéralement habité par la femme fantastique qu'elle est ». C'est beau. Beau comme celui qui nous fait l'honneur de ces confidences. Vous ne le connaissez pas ? Un jeune homme de mérite pourtant, travailleur, (« je peux bosser quinze à dix-huit heures par jour »!), et altruiste (« je donne à manger aux chats »).
Mais pourquoi s'épanche-t-il dans le magazine de « l'actualité des gens célèbres » ? Pour que la bonne nouvelle ne nous échappe pas. Ancien mannequin, désormais homme de télévision, il animera bientôt une nouvelle émission sur TF1: « L'amour est aveugle », (« il y aura beaucoup d'émotion, vous verrez »!). Sacré concept ! Pour dépasser les maudites apparences les candidats se rencontrent, sans se voir. Manière de mieux se comprendre ! Ce jeune homme cultive le paradoxe. Pour démontrer que l'amour est aveugle, il se réclame de la lucidité de son couple: en lui C préfère « mon honnêteté, ma franchise, ma loyauté. Je suis quelqu'un qui ne ment pas », et chez elle il aime « par dessus tout », « sa beauté, son indépendance, sa force, ce souci qu'elle a de son prochain.
Mes amis l'ont tout de suite adorée, elle est très accessible. C'est une femme sincère, qui ne joue pas ».
Sincères, A et C le sont assurément. Qui en douterait? Mais, plus encore, ils sont courageux. Rien ne leur tient tant à coeur que la protection de leur vie privée. Ne l'ontils pas suffisamment démontré en poursuivant sans délai tout article consacré à leur couple ? En leur allouant à moult reprises de substantiels dommages et intérêts, la juridiction des Hauts-de- Seine n'a-t-elle pas reconnu qu'ils souffrent au plus haut point de l'intérêt porté par les médias à leur intimité? Et pourtant malgré cette discrétion, malgré une indéniable timidité, An'a pas hésité. Sur l'autel du droit à l'information, de la plus que jamais nécessaire information du public, il s'est sacrifié. Surmontant le sentiment d'impuissance qui le submerge chaque jour davantage, il livre leur intimité, ce qu'ils ont de plus secret, ce qu'ils ne voulaient en aucun cas partager.
Bel exemple de générosité ! D'abnégation aussi. Prenons-en conscience, c'est dans un magazine édité par son bourreau qu'il renonce à ce qu'il a de plus cher, son jardin secret.
Sincère, courageux et même héroïque. Prenant la parole, notre ami du petit écran renonce à se plaindre, et va même jusqu'à minimiser sa douleur : « des photos ont été prises à notre insu, j'ai trouvé ça compliqué à vivre. Sinon, les commentaires m'ont fait plutôt rire. Je suis très heureux avec C, c'est tout ce qui compte. De toute façon, rapidement je n'ai rien lu. Aujourd'hui, je ne sais pas ce qui se dit ou s'écrit sur nous, et c'est bien comme ça. ».
Comme toujours les mauvais esprits ne manquent pas qui voient une contradiction entre ce rire et la souffrance alléguée, qui croient malin de souligner qu'être dans l'ignorance d'un article exclut que l'on en souffre, qui relèvent benoîtement que dans cette belle histoire le bonheur semble tout emporter. Tristes sires qui ne craignent pas de se retrancher derrière de vagues et aléatoires souvenirs d'audience où il ne fut soi-disant jamais question des rires suscités par ces « commentaires » et où, au contraire, le bel ouvrage de l'avocat en demande aurait consisté à dramatiser à outrance. Pure calomnie qui redouble l'atteinte ! Que ne reconnaissent-ils, ces ignorants volontaires, la douleur dans ce qu'elle a de plus profond, d'indicible? La douleur qui n'a pas besoin d'être prouvée puisqu'elle est ressentie. À l'horreur de l'atteinte ils osent ajouter l'infamie de la défiance. La

victime – quel autre mot employer ? – hurle et ils font semblant de ne pas l'entendre! La victime méprisée, la victime outragée, la victime humiliée mais la victime entendue ! Il était temps ! La jurisprudence en a eu la précieuse intuition. Le dommage existe par inhérence. Cela suffit. Je souffre puisque je l'affirme et que je ne suis pas le seul. La jurisprudence, qu'après tout il suffit d'appliquer, le dit avec moi. Compatissante mais juste, elle ne se trompe jamais. D'ailleurs la défense s'est avérée incapable de démontrer l'inexistence du préjudice, c'est donc qu'il existe, indiscutablement.
Tant pis pour les incrédules, pour les archaïques qui s'accrochent bêtement au droit de la preuve. Qu'ils fassent un effort de dialectique judiciaire! Reconnaître au mis en cause le statut de victime implique nécessairement de la décharger du fardeau de la preuve.
Exiger d'elle la démonstration de son dommage revient à le nier et, partant, à la contester en tant que victime. Aux insensibles échappe cette vérité première: sans préjudice, aisément admis, généreusement réparé, toute protection n'est qu'un leurre. Peu importe que l'atteinte soit anodine, superficielle, sans conséquence alléguée ni a fortiori démontrée, l'importance de la réparation compensera cette faiblesse. Mieux, l'on mesurera la gravité de l'atteinte au montant des dommages et intérêts et non l'inverse. C'est l'argent qui confère toute sa valeur au principe, rien d'autre (Les décorations de couverture servent à l'édification typographique des foules). Le principe même du droit à une vie privée n'est qu'un voeu pieux si on ne le transforme pas en jolie bourse à garnir.
En restent-ils qui ne sont pas d'accord, quelques juristes vieux jeu? Avec eux notre règle sera de tout dire. En réalité l'article se suffit à lui-même. Foin d'un débat désuet, répétitif. Foin d'une preuve inutile, l'expérience du juge, son empathie, la remplacent. Au demeurant, pas besoin d'être grand clerc pour deviner qu'il a souffert le grand jeune homme! Après tout la télévision, il s'en serait passé si on ne l'avait contraint à sortir de l'anonymat! Et puis, fin du fin, comment vous le cacher, la mission bien comprise du juge consiste à redonner le moral au préjudice.
Aussi surprenant que cela paraisse le dommage est à encourager. Question d'efficacité et d'évidence. À nouveau cette même logique à l'oeuvre, imparable: plus l'indemnisation est large, somptueuse, facile à obtenir (ce miracle du référé!), plus le principe en ressort renforcé, grandi. Des principes, des règles qui ne soient pas indexées sur l'argent ça n'existe plus ou ça ne vaut plus la peine que l'on en parle. D'ailleurs qui ne le sait? Le respect de la loi et la considération de la victime c'est tout un. Ils ont partie liée. La loi n'est-elle pas faite pour ces martyrs? Avec l'argent la consécration du principe et la reconnaissance des victimes vont de pair.
La presse pleure. N'a-t-elle pas honte? Elle sait bien ce qu'elle fait ! Du mal, beaucoup de mal et elle y trouve son compte (tous ces braves « peoples », qui n'en peuvent mais, laissés sur les bas-côtés des articles, à l'abandon, sans espoir de s'en remettre!). En plus elle est riche.
Non? Tant pis pour elle, qu'elle change, qu'elle s'amende! Mais qu'elle ne s'indigne pas, qu'elle ne regrette pas les dizaines de milliers d'euros versés à l'ami A. On ne chicane pas pour si peu (94000? de DI de juillet 2007 à février 2010 en provenance des quatre magazines Closer, Ici-Paris, Gala et Voici, ce dernier étant le plus généreux contributeur…) L'argent est bien dépensé quand il indemnise de si grandes douleurs. La République paye aussi, indirectement mais sans s'en plaindre. Medias de malheur revenez aux vérités essentielles: l'argent se respecte et l'on ne respecte qu'avec l'argent. À notre présentateur (bientôt favori) de télévision, tout ce qui lui revient de droit et de mérite, dans l'ordre que vous voudrez: la gloire, l'honneur, l'argent, le respect de sa vie point trop privée.
Résumons, A, plein de sagesse, nous le rappelle : « Trouver sa place dans l'existence de l'autre, c'est compliqué pour tout le monde, non? ». Certes. Les dommages et intérêts y aident parfois. De même une petite interview.
Ça fait tellement de bien de parler un peu !
1er avril 2010 - Légipresse N°271
1629 mots
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