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Accueil > Droits de la personnalité > L’interdiction faite à un quotidien de publier la photo d’une célébrité en détention provisoire n’a pas violé l'art. 10 de la Conv. EDH - Droits de la personnalité

Droit à l'image
/ Jurisprudence


18/01/2019


L’interdiction faite à un quotidien de publier la photo d’une célébrité en détention provisoire n’a pas violé l'art. 10 de la Conv. EDH



Cour européenne des droits de l'homme, 10 janvier 2019, Bild GmbH & Co. KG et Axel Springer AG c/ Allemagne
 

En 2010, un journaliste suisse animateur de bulletin météo très connu, fut arrêté et placé en détention provisoire, soupçonné de viol aggravé et de coups et blessures sur la personne de son ancienne épouse. Quatre mois plus tard, parut dans le célèbre quotidien allemand Bild ainsi que son site internet, un article accompagné de deux photos dont l’une – objet du présent litige – montrait l'intéressé assis torse nu dans la cour d’une prison parmi d’autres détenus.  Il fut libéré 8 jours plus tard. Le procès pénal, très médiatisé, s’acheva par son acquittement.

Les juridictions allemandes estimèrent que la publication et la diffusion de la photo étaient illicites faute pour les sociétés éditrices requérantes d’avoir obtenu le consentement du journaliste, et du fait de l’absence de lien entre la photo et un événement d'histoire contemporaine (d'actualité). La cour d'appel estima que la photo n’avait aucune valeur informative et quand bien que même on lui reconnaîtrait une valeur informative, il fallait tenir compte du fait qu’au moment de la prise de la photo, l'intéressait se trouvait en un lieu d’isolement non accessible au public et qu’il n’avait dès lors aucune raison de s’attendre à être photographié. Enfin, le fait qu'il avait longtemps été l’objet de reportages dans les médias ne le privait pas de la protection de sa sphère privée alors qu’il se trouvait dans des lieux d’isolement et qu'il n'était pas de nature à justifier la diffusion de la photo litigieuse. Les juridictions allemandes ayant rejeté les recours formés contre cette condamnation, les sociétés éditrices saisirent la Cour EDH, invoquant l'article 10.

La Cour renvoie aux principes applicables relatifs aux droits en jeu et aux critères pertinents pour leur mise en balance. Elle note tout d’abord que les juridictions allemandes ont reconnu la notoriété de l'intéressé et le caractère public de son personnage. En ce qui concerne la question de la contribution de la photographie litigieuse à un débat d’intérêt général, la Cour relève que, pour les juridictions civiles, la photo ne présentait pas de valeur informative supplémentaire par rapport au texte de l’article, ni par elle-même, ni par rapport au contexte de la publication de l’article sur le requérant. La cour d’appel a notamment estimé que sa détention provisoire était un fait connu du public depuis longtemps et qu’il n’y avait aucun motif d’en rendre compte de nouveau.


La Cour remarque cependant que la cour d’appel n’a pas tranché la question de savoir si la photo avait une quelconque valeur informative. Elle "rappelle à cet égard avoir dit, à propos de photographies illustrant un article écrit, que, d’une part, l’article 10 de la Convention laisse aux journalistes le soin de décider s’il est nécessaire ou non de reproduire le support de leurs informations pour en assurer la crédibilité et que, d’autre part, le lien qu’une photo présente avec un article ne doit pas être ténu, artificiel ou arbitraire". La Cour "ne saurait dès lors suivre l’avis de la cour d’appel allemande notamment lorsque celle-ci conclut que la publication n’était pas justifiée parce que la photo ne communiquait pas un fait nouveau, mais qu’elle se bornait à rendre compte d’un événement déjà connu du public et qu’elle était dépourvue de lien intrinsèque avec le texte de l’article."

Les juridictions allemandes ont en l'espèce accordé un poids considérable aux circonstances dans lesquelles la photo avait été prise. Ainsi, elles ont relevé que celle-ci avait été prise subrepticement depuis un endroit en principe non accessible au public, mais aussi que le requérant avait été photographié alors qu’il se trouvait en un lieu d’isolement dans lequel il n’avait aucune raison de s’attendre à être photographié. La Cour observe ensuite que les juridictions civiles ont estimé que le fait d’avoir été l’objet de reportages dans les médias n’était pas suffisant pour le priver de la protection de la sphère de sa vie privée et, en particulier, pour permettre la publication d’une photo le montrant dans une cour de prison.

En ce qui concerne la sanction infligée aux deux sociétés requérantes, la Cour observe que les juridictions allemandes se sont bornées à prononcer une interdiction de publier ou de diffuser à nouveau la photo litigieuse et une obligation de rembourser un montant modeste de frais d’avocat. Dès lors, elle juge que les juridictions allemandes ont dûment mis en balance le droit à la liberté d’expression des deux sociétés requérantes avec le droit de X au respect de sa vie privée. Compte tenu de la marge d’appréciation dont jouissent les Etats contractants, la Cour ne voit aucune raison sérieuse de substituer son avis à celui des juridictions allemandes. 

18 janvier 2019 - Légipresse N°367
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