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Accueil > Procédure de presse > Feu les myriamètres, et feu sur la loi de 1881 - Procédure de presse

Droit de la presse
/ Tribune


01/07/2019


Feu les myriamètres, et feu sur la loi de 1881



 

Après les décamètres, les hectomètres et les kilomètres, il y a les myriamètres, c'est-à-dire 10 000 mètres. Cette ancienne unité de mesure était principalement utilisée sous la Révolution, lorsqu'on voulut abandonner celle de la lieue, trop royaliste, un myriamètre valant à peu près trois lieues.

Comme beaucoup de vieux mots de la langue française, il serait tombé dans l'oubli s'il n'avait été inscrit dans la loi, en l'occurrence à l'article 54 de celle de 1881 sur la liberté de la presse, qui prévoyait que : « Le délai entre la citation et la comparution sera de vingt jours, outre un jour par cinq myriamètres de distance ». Cinq myriamètres, c'est-à-dire cinquante kilomètres, c'était donc, ce qu'en 1881, on considérait comme une distance raisonnable qu'un homme à cheval pouvait parcourir par jour, pour se rendre au tribunal devant lequel il était cité à comparaître.

Saisi par une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a scellé le destin de la disposition, et sans doute réglé définitivement son compte au mot lui-même, en considérant que, « compte tenu des moyens actuels de transport », elle faisait « une distinction injustifiée entre les justiciables ».

De toutes les règles de procédure spéciales de la loi sur la presse, c'était, il est vrai, la seule dont on avait peine à justifier de la légitimité. Elle obligeait, lorsqu'on citait par exemple un journal parisien devant le tribunal de Fort de France ou pire, devant ceux de Nouméa ou Papeete, à respecter un délai de plus de trois mois, puisque de 100 jours ou de 200 jours.

La règle des myriamètres n'était qu'une pierre parmi beaucoup d'autres de l'édifice de la loi sur la presse. Est-ce un hasard, il a suffi qu'on l'y enlève, pour que, brusquement, le gouvernement, par la voix de son ministre de la Justice(1), dise qu'il y aurait peut-être intérêt aujourd'hui à en exclure les délits de diffamation et d'injure, c'est-à-dire plus que 95 % de son contentieux. La première pierre lancée, c'est donc tout l'édifice qui serait à présent menacé.

Redira-t-on assez souvent dans ces colonnes l'attachement de tous les patriciens pour cette belle loi, polie par les âges, et la jurisprudence notamment européenne ? C'est une grande loi libérale qui accompagne la démocratie républicaine française, quasiment depuis ses débuts, qui permet aux tribunaux de réguler avec beaucoup de sagesse et d'équilibre la liberté d'expression, et qui a trouvé à s'appliquer très naturellement aux nouveaux moyens techniques de communication et de diffusion de la pensée, sans qu'il soit besoin de tout bouleverser ou réinventer.

Sans doute s'inquiète-t-on à tort ? Mais il y a bien un jour où, un pouvoir mal averti, comme souvent, sur la modernité de cette vieille dame, parviendra à l'abroger. Toutefois, désormais, il ne sera plus possible d'invoquer, pour la critiquer, la désuétude des myriamètres…

1er juillet 2019 - Légipresse N°372
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