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Tribune


01/07/2013


Oui, on peut supprimer le mot « race » de la loi, sans dommage !



 

Selon Benoît Derieux (1), il y aurait à craindre que la suppression du mot « race » de notre législation ne soit pas aussi neutre que les auteurs de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale le 16 mai dernier l'aient voulu ou annoncé. Le remplacement de ce mot par l'expression « pour des raisons racistes » nous ferait passer d'un régime objectif à un régime subjectif qui impliquerait la recherche par le juge d'une intention, au titre de l'élément moral ; alors qu'antérieurement cette intention présumée résultait de l'emploi du mot et du concept de race.
L'intention du législateur, à la supposer inhérente à la rédaction de la proposition de loi, risque-t-elle d'être battue en brèche par les auteurs de propos ou d'écrits racistes ou par les auteurs de discrimination (raciale) devenue « discrimination raciste » ou pire, être méconnue par les juges amenés à interpréter la loi nouvellement rédigée ? Il est bien vrai que les auteurs de la proposition de loi, quelle qu'ait été leur intention d'origine, ne pourront plus s'en prévaloir comme étant celle du législateur, une fois la loi votée.
Selon le rapporteur Alfred Marie-Jeanne la substitution devrait être « juridiquement neutre : tous les comportements racistes incriminés sous l'empire de la législation actuelle le resteront (…) »… « cela va de soi : la suppression du mot Race de la législation ne diminue en rien l'efficacité de la lutte contre le racisme… politiquement le message est simple et clair, les races ça n'existe pas. Le racisme, si et la France le combat fermement et juridiquement… ».
Si le message politique est clair et reprend l'une des promesses du président Hollande, l'est-il pour autant juridiquement ? Si cela va de soi, pourquoi ne pas le dire expressément, et rappeler la volonté du législateur substituée à celle des auteurs de la proposition de loi ? Que risque-t-il d'advenir si les auteurs d'écrits ou de propos racistes ou poursuivis comme tels contestent en avoir eu l'intention et soutiennent s'être bornés à faire état d'un fait ou d'une opinion ? Se contentera-t-on de leur dire que les différences entre les races n'existent pas et qu'il ne subsiste plus que des différences entre les « ethnies » ou les « origines » qu'on leur aura substituées ? Et s'ils persistent dans leur attitude et leur défense, leur opposera-t-on que « l'intention raciste » est présumée et résulte de l'emploi des mots dès lors que ces derniers sont remplacés par la chose qu'on ne nommera plus ? Répondra-t-on qu'on a pris la précaution de rappeler en tête de la loi nouvelle que « La République Française condamne le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie ». On ne peut ignorer que tel était déjà le sens du décret-loi Marchandeau du 21 avril 1939 qui incriminait « l'excitation à la haine… à condition que Oui, on peut supprimer le mot « race » de la loi, sans dommage ! Bernard Jouanneau Avocat au Barreau de Paris les allégations ou imputations diffamatoires dirigées contre un groupe de personnes appartenant par leur origine à une race ou une religion déterminée aient eu pour but d'exciter à la haine entre les citoyens ».
Bien qu'il ait été réintroduit dans la loi sur la presse le 6 mai 1944, après avoir été abrogé par l'acte dit loi de Vichy du 27 août 1940, on sait ce qu'il en est advenu avant d'être remplacé par la loi du 1er juillet 1972, puisque c'est sur la base de ce texte que la cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 26 mars 1952, a jugé que « l'auteur de l'article (…) qui conviait les lecteurs à une saine méfiance envers les Juifs (considérés comme des étrangers) et préconisait un antisémitisme mesuré et raisonnable, un antisémitisme “à la française“… avec des lois justes et nécessaires » devait être relaxé. On ne pouvait pas mieux tordre le cou au Front populaire et à la Libération.
Dès lors qu'on laisse le champ libre à l'interprétation du texte et à la recherche de l'intention, on ouvre en grand le débat de la libre expression qui, s'il ne doit plus porter sur les races portera sur le racisme, qui lui, n'a pas disparu, y compris celui qu'on dit « bienveillant » qui prône la discrimination positive (2).
Il faudrait donc être plus précis ; mais il ne suffit pas de répéter que « le racisme n'est pas une opinion, c'est un délit » (3), c'est vers la convention de New York sur l'élimination de toutes les formes de racisme de 1965 qu'il faut se tourner, selon laquelle les États signataires se sont déclarés convaincus que « toute doctrine de supériorité fondée sur la différenciation entre les races est scientifiquement fausse », et se sont engagés « à déclarer délits punissables toute diffusion d'idées fondées sur la supériorité ou la haine (raciale), toute incitation, à la discrimination (raciale) ».
Quitte à inscrire en frontispice de la loi le rappel des principes de la République, il suffirait d'ajouter au texte de l'article premier : « et considère que tout acte, tout propos, ou toute déclaration exprimant ou traduisant de telles idées constitue un délit et non une opinion, et comme tel condamnable selon les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 modifiées » ; et pour parer à l'objection ultime faite par Benoît Derieux de renoncer à l'emploi du pluriel là où il est question de « raisons racistes » pour s'en tenir au singulier : « une raison raciste quelle qu'elle soit ». Le rappel législatif que s'apprête à adopter le Parlement français, qui doit être adapté au but recherché, servira de repère aux juges et à l'opinion et, qui sait, au Congrès lorsqu'il aura à connaître de la réforme de la Constitution, ainsi qu'aux instances internationales lorsqu'elles se mettront en harmonie avec cette réforme signifiante.
1er juillet 2013 - Légipresse N°307
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