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Accueil > Droit d'auteur > La fourniture par téléchargement, pour un usage permanent, d’un livre électronique ne relève pas du droit de « distribution au public » - Droit d'auteur

Droit d'auteur
/ Jurisprudence


22/01/2020


La fourniture par téléchargement, pour un usage permanent, d’un livre électronique ne relève pas du droit de « distribution au public »



Cour de Justice de l'Union européenne, (gr. ch.), 19 décembre 2019, Nederlands Uitgeversverbond et Groep Algemene Uitgevers/Tom Kabinet Internet BV e.a.
 

Deux associations de défense des intérêts des éditeurs néerlandais, ont saisi un tribunal national d’une requête visant à faire interdire, entre autres, à une société de mettre des livres électroniques à la disposition des membres du « club de lecture » créé par cette dernière sur son site internet, ou de reproduire ces livres. Les requérantes font valoir que ces activités portent atteinte aux droits d’auteur de leurs affiliés sur ces livres électroniques. Elles estiment qu’en proposant des livres électroniques « d’occasion » à la vente dans le cadre de ce club de lecture, la société défenderesse effectuerait une communication au public non autorisée de ces livres. Cette dernière soutient, au contraire, que de telles activités relèvent du droit de distribution, soumis par la directive 2001/29 sur le droit d’auteur à une règle d’épuisement lorsque l’objet concerné – en l’occurrence les livres électroniques – a été vendu dans l’Union par le titulaire du droit ou avec son consentement. Cette règle impliquerait que les associations demanderesses, suite à la vente des livres électroniques en cause, ne bénéficieraient plus du droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la distribution de ceux- ci au public.

La juridiction de renvoi demandait donc, en substance, à la CJUE si la fourniture par téléchargement, pour un usage permanent, d’un livre électronique relève de la notion de « communication au public », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29, ou de celle de « distribution au public », visée à l’article 4, paragraphe 1, de cette directive. En réponse, la Cour considère que cette fourniture relève bien du droit de « communication au public », pour lequel l’épuisement est exclu en application du paragraphe 3 de l’article 3.

La Cour a notamment déduit du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur, à l’origine de la directive 2001/29, ainsi que des travaux préparatoires de cette dernière, que le législateur de l’Union avait eu l’intention de réserver cette règle d’épuisement à la distribution d’objets tangibles, tels que des livres sur support matériel. En revanche, l’application de la règle d’épuisement à des livres électroniques risquerait d’affecter l’intérêt des titulaires à obtenir une rémunération appropriée de manière beaucoup plus significative que dans le cas de livres sur support matériel, dès lors que des copies numériques dématérialisées de livres électroniques ne se détériorent pas avec l’usage et constituent ainsi, sur un éventuel marché de l’occasion, des substituts parfaits des copies neuves.

S’agissant plus précisément de la notion de « communication au public », la Cour a indiqué que celle-ci doit s’entendre au sens large, comme couvrant toute communication au public non présent au lieu d’origine de la communication et, ainsi, toute transmission ou retransmission, de cette nature, d’une œuvre au public, par fil ou sans fil. Cette notion associe deux éléments cumulatifs, à savoir un acte de communication d’une œuvre et la communication de cette dernière à un public.

S’agissant du premier élément, il ressort de l’exposé des motifs de la proposition de directive 2001/29 que « l’acte déterminant est celui qui consiste à mettre l’œuvre à la disposition du public, et donc à l’offrir sur un site accessible au public, acte qui précède le stade de la transmission réelle à la demande » et qu’« [i]l est sans importance qu’une personne ait ou non effectivement extrait cette œuvre ». Ainsi, selon la Cour, en l’espèce, le fait de mettre les œuvres concernées à la disposition de toute personne qui s’enregistre sur le site internet du club de lecture doit être considéré comme une « communication » d’une œuvre, sans qu’il soit nécessaire que la personne concernée utilise cette possibilité en extrayant effectivement le livre électronique à partir de ce site.

En ce qui concerne le second élément (la notion de « public »), il y a lieu de tenir compte non seulement du nombre de personnes pouvant avoir accès à la même œuvre parallèlement, mais également du nombre d’entre elles qui peuvent avoir successivement accès à celle-ci. En l’occurrence, selon la Cour, le nombre de personnes pouvant avoir accès, parallèlement ou successivement, à la même œuvre par le biais de la plate-forme du club de lecture est important.  Partant, sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi tenant compte de l’ensemble des éléments pertinents, l’œuvre en cause doit être regardée comme étant communiquée à un public.

Par ailleurs, la Cour a jugé que, pour être qualifiée de communication au public, une œuvre protégée doit être communiquée selon un mode technique spécifique, différent de ceux jusqu’alors utilisés ou, à défaut, auprès d’un public nouveau, c’est-à-dire un public n’ayant pas déjà été pris en compte par les titulaires du droit d’auteur lorsqu’ils ont autorisé la communication initiale de leur œuvre au public. En l’occurrence, dès lors que la mise à disposition d’un livre électronique est en général accompagnée d’une licence d’utilisation autorisant seulement la lecture de celui-ci, par l’utilisateur ayant téléchargé le livre électronique concerné, à partir de son propre équipement, il y a lieu de considérer qu’une communication telle que celle effectuée par la société défenderesse est faite à un public n’ayant pas été déjà pris en compte par les titulaires du droit d’auteur et, partant, à un public nouveau.

22 janvier 2020 - Légipresse N°378
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