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20/05/2020


Un coup de dés jamais … ou une application par la Cour de cassation des pratiques commerciales réputées trompeuses



Le seul fait d'affirmer d'un produit ou d'un service qu'il augmente les chances de gagner aux jeux de hasard suffit à caractériser l'élément matériel constitutif de l'infraction prévue par le 15° de l'article L. 121-1-1 devenu L. 121-4 du code de la consommation. Les pratiques commerciales qui, comme celle relative aux jeux de hasard, figurent dans l'annexe I de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales, à la lumière de laquelle les textes français doivent être interprétés, sont considérées comme déloyales en toutes circonstances, sans qu'il soit nécessaire pour le juge répressif de caractériser une altération du comportement économique d'un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

Cour de cassation, 28 janvier 2020, n° 19-80.496 Epx V.
 

1. La publicité mensongère a depuis fort longtemps donné lieu à une jurisprudence abondante à la mesure de l'imagination des publicitaires, parfois excessivement débordante il est vrai.

La modification du nom des infractions ne suffisant pas à les faire disparaître, cette activité judiciaire s'est maintenue depuis que la publicité mensongère est entrée dans la nouvelle catégorie des pratiques commerciales trompeuses qui a été créée par la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales puis transposée en droit français au sein du code de la consommation, aujourd'hui aux articles L. 121-1 et suivants.

2. Le mécanisme mérite d'être rappelé, ce qui peut être fait en citant tout d'abord les termes de l'article L. 121-1 : « Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service… Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales, les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-6 et L. 121-7. »

Il est ensuite rappelé les critères nécessaires pour apprécier le caractère trompeur d'une pratique commerciale et notamment l'utilisation d'allégations, d'indications ou de présentations fausses ou de nature à induire en erreur.

Quant à l'article L. 121-4 il donne une liste de vingt-deux pratiques qui sont « réputées trompeuses »(1). Ces pratiques correspondent à la transposition de l'annexe 1 de la directive de 2005 visant des « pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances » et justifiées par le considérant 17 de la directive : « Afin d'apporter une plus grande sécurité juridique, il est souhaitable d'identifier les pratiques commerciales qui sont, en toutes circonstances, déloyales. L'annexe 1 contient donc la liste complète de toutes ces pratiques. »

Parmi les pratiques de cette nature, l'article L. 121-4, 15°, vise celles qui ont pour objet : « d'affirmer d'un produit ou d'un service qu'il augmente les chances de gagner aux jeux de hasard ».

3. Si les décisions de justice sont très fréquentes dans le domaine des pratiques commerciales trompeuses, elles ne le sont pas lorsqu'il s'agit de statuer sur les pratiques commerciales qui sont réputées trompeuses ou agressives, ce qui n'est au demeurant pas surprenant tant ces pratiques sont pour l'essentiel trop manifestement déloyales pour être raisonnablement mises en œuvre par des annonceurs(2).

D'où l'intérêt de l'arrêt prononcé sur cette question le 28 janvier 2020 par la chambre criminelle de la Cour de cassation.

4. Les responsables du site internet www.pronofaste.com étaient poursuivis devant les juridictions correctionnelles du chef de pratiques commerciales trompeuses. Leur site permettait d'acheter des grilles de jeux Loto et Euromillion censées procurer, en raison du recours à une méthode de calcul scientifique, une plus grande chance de gains que celles acquises en dehors du site. Ceci aurait été authentifié par un huissier nommément désigné.

Les prévenus ont été déclarés coupables par le tribunal correctionnel puis par la cour d'appel. Leur pourvoi en cassation a été rejeté par la chambre criminelle.

5. La cour d'appel avait relevé :

– que les prévenus avaient tenté de prouver que leur méthode était efficace et reposait sur des bases scientifiques mais que cette efficacité n'était pas démontrée ;

– que l'infraction était constituée dès lors qu'il était affirmé que le site augmentait les chances de gagner par rapport à un joueur n'ayant pas recours à ce site « quelle que soit la réalité tant de l'efficacité des calculs présidant à la mise en ligne des grilles que de l'accroissement des chances de gagner. »

Si l'on comprend bien la rédaction de l'arrêt de la cour d'appel telle qu'elle est présentée par la chambre criminelle, la première observation sur l'inefficacité de la méthode serait inutile puisque l'infraction serait constituée même si la méthode était efficace.

6. Devant la Cour de cassation, les prévenus soutenaient d'une part que la présomption de pratiques réputées trompeuses ne saurait être irréfragable, sauf à porter atteinte à la présomption d'innocence et, d'autre part, qu'il fallait pour les condamner rechercher conformément à l'article L. 121-1 l'existence d'une altération substantielle du comportement économique des consommateurs.

La chambre criminelle rejette le pourvoi en affirmant que la cour d'appel n'a pas présumé la culpabilité des prévenus. Elle ajoute que « le seul fait d'affirmer d'un produit ou d'un service qu'il augmente les chances de gagner aux jeux de hasard suffit à caractériser l'élément matériel » de l'infraction, puis qu'en vertu de la directive de 2005 ces pratiques sont considérées comme déloyales en toutes circonstances sans qu'il soit nécessaire de caractériser une altération du comportement économique des consommateurs.

On peut y voir le charme de la simplicité.

7. La directive fonde, on l'a vu, l'existence des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances sur la nécessité d'apporter une plus grande sécurité juridique. En soi, la recherche de la sécurité peut difficilement être critiquée.

On sait cependant qu'elle s'oppose souvent à la liberté, ce qui, devant les juridictions répressives, est généralement moins satisfaisant. Force est de constater qu'ici, la condamnation est prononcée sans débat possible sur l'élément matériel de l'infraction, sans justification d'un élément moral et sans apparemment qu'ait été caractérisé un préjudice causé à des tiers.

On pourra reprocher aux prévenus d'avoir oublié qu'un coup de dés jamais n'abolira le hasard, mais on rappellera le dernier vers du poème de Mallarmé : « Toute Pensée émet un Coup de Dés », ce qui devrait amener à la plus grande modestie tant les magistrats de la Cour de cassation que les commentateurs de leurs arrêts.

20 mai 2020 - Légipresse
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