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Tribune


01/10/2012


La liberté d'expression et le droit au respect des croyances



 

La publication de nouvelles caricatures du prophète Mahomet, dans le journal satirique Charlie Hebdo, pose à nouveau le débat des rapports de la liberté d'expression et du respect des convictions religieuses. La question n'est pas neuve et intéresse toutes les religions. À l'automne 2011, la pièce Golgota Picnic offensait l'un des événements fondateurs de la foi chrétienne : la Passion de Jésus-Christ mort sur la Croix. Cette pièce avait suscité une vive émotion chez les chrétiens, et bien au-delà. La publication de nouvelles caricatures du prophète Mahomet se veut un acte de défense de la liberté d'expression face à l'intolérance et aux violences générées dans les pays musulmans par la diffusion de la vidéo « L'innocence des musulmans ».
Les partisans de la publication de ces caricatures affirment le caractère souverain de la liberté d'expression qui autoriserait, sans restriction, la critique des religions, la seule limite étant le respect de l'ordre public.
Mais contrairement au premier amendement de la Constitution des États-Unis, qui postule le caractère absolu de la liberté d'expression, en France, cette liberté fait l'objet de restrictions prévues par la loi. Tel est le principe posé par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme du 26 août 1889 : « La libre communication des pensées, des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». L'article 10 de la Convention Edh prévoit que la liberté d'expression peut être soumise à certaines restrictions prévues par la loi et destinées notamment à la protection de la réputation ou des droits d'autrui. La liberté d'expression n'est pas absolue ; elle peut entrer en conflit avec d'autres droits fondamentaux de la personnalité, notamment le droit au respect des croyances. Il s'agit d'un prolongement de la liberté de conscience qui postule le droit pour chacun d'être protégé contre les atteintes à ses convictions religieuses ou philosophiques. L'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous La liberté d'expression et le droit au respect des croyances Thierry Massis Avocat au Barreau de Paris les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ».
Ainsi, notre loi fondamentale élève le respect des croyances au rang de principe constitutionnel. La jurisprudence a consacré ce droit au respect des croyances. Dans la fameuse affaire de l'affiche de cinéma Ave Maria représentant d'une manière provocatrice une jeune femme fixée sur une croix, pieds et poings retenus par des cordes, le juge des référés, sous la présidence de M. Pierre Drai, a jugé « que les droits individuels et collectifs invoqués en la présente instance sont fondés d'une part sur la liberté de conscience et le droit au respect de ses croyances, et d'autre part, sur la liberté d'aller et de venir sans risque d'agression ou d'outrage » doivent, dans une société protectrice des droits de l'homme, être consacrés par les mesures que le juge des référés, juge de la voie de fait, tire des dispositions de l'article 809 du Ncpc (1). Le droit au respect des croyances constitue une norme constitutionnelle qui est d'égale valeur à celle de la liberté d'expression. Il appartient au juge du fond de décider des mesures appropriées à faire respecter ce nécessaire équilibre.
En raison de son genre littéraire, la caricature bénéficie auprès des juges d'une grande tolérance. Mais cette tolérance n'est pas sans limite et s'arrête là où la caricature porte atteinte à des droits fondamentaux de la personne. En l'espèce, jusqu'où peut-on accepter une atteinte au respect des croyances ? Certes, ce droit au respect des croyances est en recul en raison de la règle posée par les arrêts de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, selon laquelle les abus de la liberté d'expression, spécifiquement réprimés par la loi du 29 juillet 1881, ne peuvent être réparés par application du droit commun de la responsabilité civile (2).
Aujourd'hui, l'atteinte au respect des croyances doit se mouler dans les délits d'injure et de diffamation d'un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une religion. Sur ce terrain, la jurisprudence est très rigoureuse et considère, le plus souvent, que les délits ne sont pas constitués. Par exemple, la parodie de La Cène, dans le cadre d'une campagne publicitaire, n'a pas été considérée comme injurieuse par la Cour de cassation. Le droit

de l'injure et de la diffamation n'est pas une bonne réponse pour faire respecter les croyances. Le droit au respect des croyances, droit fondamental de la personnalité qui puise sa source dans une règle constitutionnelle, est parfaitement adéquat pour en sanctionner les atteintes (3).
Ce rappel d'un droit au respect des croyances face à la liberté d'expression nous paraît fondamental au moment où est invoqué, à tort et à travers, un prétendu délit de blasphème.
Le non-respect des croyances ne peut constituer un délit de blasphème. Le principe de laïcité postule le pluralisme des valeurs. Le blasphème est une offense au divin. Il n'a aucun fondement légal et n'existe pas dans une société laïque. Par contre, le sentiment religieux, qui est un des éléments les plus profonds de la personne humaine, autant que la liberté d'expression, doit être protégé. En effet, le respect des croyances est une « prémisse essentielle de la coexistence pacifique des peuples » (4).
1er octobre 2012 - Légipresse N°298
1046 mots
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